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Contes populaires de toutes les Bretagne

Contes populaires de toutes les Bretagne

Titel: Contes populaires de toutes les Bretagne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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d’un cierge : elle était jeune et très belle, les yeux constamment
baissés vers le sol. On aurait dit qu’elle portait une robe de mariée, mais
vers quelle cérémonie marchait-elle ? Que signifiait cette noce
silencieuse où personne ne faisait le moindre bruit, à tel point que tous ces
êtres semblaient glisser sur l’herbe, comme des spectres issus d’un
cauchemar ?

    Au milieu de la prairie, les jeunes gens s’arrêtèrent et se
mirent à creuser la terre à coups de pioche et de pelle. Allain les voyait
travailler et se démener, mais il n’entendait pas le choc des outils sur le
sol : c’était à croire qu’il y avait quelque sorcellerie là-dessous. Au
bout d’un moment, qui parut très long au braconnier, les jeunes gens eurent
creusé une fosse profonde et ils jetèrent leurs instruments. La jeune femme
était près d’eux, immobile dans son vêtement blanc que le léger vent qui
soufflait du nord faisait onduler sous la lune. Alors, brusquement, les jeunes
gens se précipitèrent vers elle, la saisirent par les épaules et la firent
basculer dans la fosse où elle disparut sans un cri. Puis ils ramassèrent leurs
pelles et leurs pioches, et, avec une incroyable frénésie, rejetèrent la terre
dans la fosse. Quand ils l’eurent comblée, ils piétinèrent le sol pour le
tasser : on eût dit une danse de sorciers sur le cadavre d’une victime de
leurs effroyables pratiques. La scène était étrange et sauvage : le
braconnier se signa, terrifié, ne sachant pas si ceux qu’il voyait étaient des
hommes ou des démons.
    Enfin, les jeunes gens ramassèrent leurs instruments, puis
repartirent aussi lentement et silencieusement qu’ils étaient arrivés. Ils
montèrent dans le carrosse. Les portières se refermèrent. Fouettés par un
cocher invisible, les chevaux se mirent en branle, tournèrent autour du
véhicule en accomplissant un demi-cercle, et le carrosse disparut dans la nuit,
sur la route de Campénéac.
    Des nuages venaient de mordre la lune et la lumière disparut
pour faire place à des ténèbres épaisses. Allain, le braconnier, entendait le
pas des chevaux, bien loin vers l’ouest, martelé par l’écho des landes et des
collines. Le braconnier s’enfuit à toutes jambes à travers les bois, en
direction de Beauvais.
    Le lendemain, de bonne heure, Allain se présentait au
château de Trécesson. À l’intendant qui lui demandait ce qu’il voulait, il
répondit qu’il ne parlerait qu’au seigneur lui-même. L’intendant refusa de
déranger son maître pour un homme qui n’en valait pas la peine, mais le
braconnier fit tant de bruit que le seigneur l’entendit et s’enquit de ce qui
se passait. Le seigneur de Trécesson était de fort bonne humeur, ce matin-là,
et il se plut à écouter le récit que lui fit Allain des événements de la nuit.
Il est utile de préciser qu’Allain se garda bien de parler de ses pièges et
qu’il prétendit avoir assisté à la scène depuis la route. Quand il eut tout
entendu, le seigneur de Trécesson se mit à rire bruyamment :
    — Bonhomme, dit-il, tu as dû t’endormir ou bien tu t’es
arrêté plus que de raison dans les auberges de Campénéac avant de rentrer chez
toi ! C’est une histoire invraisemblable. En admettant que tu aies dit la
vérité, comment se fait-il qu’on n’ait rien entendu du château ?
    Le braconnier jura par tous les saints du Paradis qu’il
n’avait pas rêvé et qu’il n’avait rien bu la veille. Devant de telles
démonstrations, le seigneur de Trécesson haussa les épaules.
    — Eh bien, dit-il, viens me montrer l’endroit !
    Allain accompagna le maître du château jusqu’au milieu de la
prairie et lui désigna l’endroit où il avait vu enterrer la jeune femme en
blanc. Il était visible que la terre avait été retournée, car l’herbe manquait
sur une certaine surface, et tout autour, on pouvait observer de nombreuses
traces de pas. Le seigneur de Trécesson fut saisi d’un doute, fit appeler ses
valets et leur ordonna de creuser. Quand ils eurent enlevé la terre
bouleversée, les hommes poussèrent un cri de stupeur, et le maître se pencha.
Allain avait bien dit la vérité : au fond de la fosse, se trouvait une
jeune femme très belle, recouverte d’un long manteau blanc maculé de terre.
Elle paraissait dormir. Mais tout à coup, tous reculèrent, épouvantés : le
corps de la jeune femme venait de tressaillir. On la vit se redresser sur son
séant, on vit ses

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