Contes populaires de toutes les Bretagne
yeux s’ouvrir à la lumière du jour, sous les rayons dorés du
soleil qui faisaient paraître son visage encore plus pâle. Puis ses yeux se
refermèrent, comme éblouis. Elle poussa un long et douloureux soupir et retomba
inerte au fond de la fosse. Elle était morte.
On ne sut jamais qui était la Dame blanche de Trécesson, ni
quel était l’étrange et sinistre cortège qui l’avait conduite à sa tombe de
terre.
Tréhorenteuc (Morbihan).
J’ai
entendu ce récit plusieurs fois dans la région de Tréhorenteuc et de Campénéac.
Il s’agit vraisemblablement du souvenir d’un fait divers remontant aux environs
de 1750, mais on n’en trouve aucune trace dans les documents d’époque. Et le
mystère continue de rôder sur cette étrange dame blanche, enterrée vive, et
que, paraît-il, on rencontre parfois sur la lande, les soirs de pleine lune.
MENOU LE HERQUELLIER
Menou, de Beauvais, ce village au milieu de Brocéliande,
était herquellier : il allait de bourg en bourg, de ville en hameau, avec
sa charrette tirée par un cheval maigre et noir, pour vendre des balais de
bruyère ou de genêt et des paniers de bourdaine qu’il fabriquait lui-même avec
des branches cueillies dans la forêt. Menou était vieux garçon, car aucune
femme n’aurait voulu de cet homme qui jurait et blasphémait à longueur de
journée, qui ne mettait jamais les pieds à l’église, mais qui, par contre,
hantait les auberges de Paimpont, de Campénéac et de Tréhorenteuc.
Un jour, Menou revenait de la foire de Ploërmel, l’esprit
quelque peu embrumé par les bouteilles qu’il avait vidées en compagnie de gens
de son espèce. Il venait de dépasser Campénéac et arrivait à la Croix de
Trécesson, quand l’orage se déchaîna, un orage épouvantable, avec des éclairs
plus lumineux que le soleil de juin, et de la pluie comme si le déluge
recommençait. Le herquellier fit presser le pas à son cheval : en un
instant, il se trouva près de la ferme attenante au château. Il conduisit le
cheval dans le hangar et pénétra lui-même dans la salle où se trouvaient réunis
les fermiers et un trimardeur venu s’abriter de la pluie.
— Tiens, Menou ! dit le fermier. Tu boiras bien
une bolée avec nous ?
— Ce n’est pas de refus ! grommela le herquellier.
Il s’assit sur la bancelle, les deux coudes sur la table.
Cependant l’orage ne cessait pas. Les coups de tonnerre se
succédaient sans trêve, et la pluie rageait contre les toits. À chaque éclair,
la fermière reculait dans l’angle le plus sombre de la pièce et murmurait comme
une litanie :
— Sainte Barbe ! Sainte Fleur ! la couronne
de Mon Seigneur ! quand le tonnerre tombera, Sainte Barbe nous
protégera !…
Les hommes se signaient seulement, sauf Menou, qui se
contentait, à chaque fois, de glousser, étouffant ainsi un ricanement. Le
trimardeur le regardait d’un air inquiet : avec ses grosses moustaches et
ses joues envahies par une barbe de trois jours, avec ses yeux luisants et ses
vêtements sombres, Menou n’était-il pas le diable en personne ? N’était-ce
pas lui qui avait déclenché cet orage par ses maléfices, et qui, maintenant,
s’en réjouissait ?
— Je sens comme du soufre ! dit le fermier. J’ai
l’impression que le tonnerre n’est pas tombé bien loin !
Et les litanies de la fermière reprirent de plus belle.
Au bout d’une demi-heure, la pluie devint moins forte, mais
les éclairs déchiraient toujours le ciel. Menou se leva.
— Bon ! dit-il, je m’en vais.
— Tu n’es pas fou ? dit le fermier en se dirigeant
vers la fenêtre. Ce n’est pas fini. Tu vas te faire brûler !
Menou ricana :
— Sacré nom de Dieu ! Je me fous pas mal du
tonnerre ! je serai moins mouillé !
La fermière s’était signée. Le trimardeur dit :
— Attention, Menou ! il ne faut pas
blasphémer !
Menou éclata d’un rire strident :
— Je m’en fous pas mal de votre bon Dieu ou de votre
diable ! Ils n’ont qu’à venir un peu, ils recevront ma main sur la
gueule !
Et Menou sortit. Il prit son cheval par la bride et le bruit
de la carriole se perdit dans les grondements du tonnerre.
Une heure après que l’orage fut terminé, le trimardeur,
ayant dépassé la chapelle Saint-Jean, se préparait à descendre la côte qui
menait vers Beauvais, quand il vit la charrette de Menou arrêtée sur le bord de
la route. Il s’approcha et découvrit un spectacle à vous donner la chair
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