Contes populaires de toutes les Bretagne
la charrette tandis que
celle-ci dévalait rapidement la pente qui aboutissait au bourg de Paimpont. Et
tous se disaient qu’ils en avaient pour peu de temps à présent, car la plus
grande partie du chemin était accomplie.
Au détour de la route, là où commence l’étang et où on
aperçoit les bâtiments de l’abbaye, la foudre tomba sur l’eau, à quelques
mètres de la charrette. Le cheval faillit s’emballer et manqua de renverser le
véhicule. Celui qui était chargé de la croix la portait sous son bras de peur
d’attirer le tonnerre. L’homme aux échelettes avait posé celles-ci sur ses
épaules et ne recommença à les faire tinter que lorsqu’on pénétra dans le bourg
de Paimpont.
À l’église, le sacristain s’impatientait de ne point voir
arriver le cortège funèbre. Il s’était purgé le matin et aurait voulu en finir
avec cette cérémonie afin de disposer de son temps. Aussi fut-ce avec
soulagement qu’il entendit le son aigre et grave des échelettes. Et ce fut
également un soulagement pour les hommes qui suivaient la charrette lorsqu’ils
pénétrèrent dans l’église. Pendant la messe – oh ! une toute petite messe
basse ! Menou ne valait pas une grand-messe chantée ! – l’orage cessa
tout à fait et on vit même du soleil filtrer à travers les vitraux coloriés. La
messe achevée, le recteur, qui avait jugé bon d’épargner ses chants, ne ménagea
pas l’eau bénite au moment de l’absoute, et chacun arrosa copieusement le
cercueil, persuadé qu’ainsi le diable s’éloignerait, sinon de Menou lui-même,
mais du moins de ceux qui avaient eu le courage de suivre son cortège.
Les rues inondées étaient vides lorsque la charrette prit le
chemin du cimetière, et le temps, qui s’était pourtant éclairci, redevint
sombre et menaçant, au moment où l’on aperçut les croix par-dessus le mur
blanc. Tous craignaient le retour de l’orage, y compris le sacristain qui
portait l’eau bénite et qui aurait voulu être à cent lieues, y compris le
recteur qui avait peur d’abîmer son beau surplis tout neuf. Quant aux autres,
ils commençaient à penser qu’il y avait quelque chose de bizarre dans ces
intempestives manifestations du ciel.
On arriva cependant sans encombre au cimetière, et on
descendit le cercueil dans la fosse qui avait été creusée à cet effet. On fit
encore une aspersion d’eau bénite, et chacun, le chapeau à la main, se
préparait à repartir, quand un formidable coup de tonnerre, accompagné d’un
éclair rougeâtre, ébranla l’air et la terre. Après un instant de désarroi et de
stupeur, les assistants virent que la foudre était tombée dans la fosse et
qu’elle avait fendu en deux le cercueil de Menou le herquellier.
Et jamais de mémoire d’homme, il n’y eut de plus belle fin
de journée que celle-là : les nuages furent balayés par un grand vent qui
venait de la mer, là-bas, à travers les landes et les bois chargés des parfums
de l’été. Le soleil brilla comme un diamant magnifique et le ciel devint plus
bleu que la mer en des pays d’éternelle jeunesse.
Tréhorenteuc (Morbihan).
Cette
histoire m’a été racontée en 1960 et on m’a garanti qu’elle était vraie. On me
demanda d’ailleurs de changer le nom du personnage parce qu’il avait encore de
la famille. Il est fort possible, en effet, qu’un tel événement se soit produit
il y a peu d’années, mais le récit, en passant de bouche à oreille, s’est
chargé, comme bien d’autres, d’éléments édifiants.
LES LAVANDIÈRES DU RAUCO
N’avez-vous jamais entendu, la nuit, en rentrant chez vous,
des claquements derrière les haies, près des ruisseaux, comme des coups de
battoir contre le linge ? Si vous les entendez, signez-vous et passez
votre chemin sans regarder du côté d’où vient le bruit. Rentrez chez vous en
toute hâte, si vous ne voulez pas rencontrer les lavandières de nuit.
Un soir de fête, Guillo, de la Touche-Robert, apprit à ses
dépens ce qu’il en coûte de rencontrer les lavandières. Guillo était un bon à rien.
Paresseux du matin jusqu’au soir, il ne savait que boire. Et après boire, il
chantait à tue-tête dans le bourg de Tréhorenteuc, à tel point qu’il recevait
des seaux d’eau sur la figure lorsque les habitants en avaient assez de
l’entendre s’égosiller. Or, ce soir-là, le vent en poupe, Guillo s’en
retournait vers sa demeure. Il n’avait d’autres auditeurs que la lune entre
deux
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