Contes populaires de toutes les Bretagne
de mettre fin à notre supplice et vous nous avez libérés.
Et l’homme et la femme, après l’avoir salué, disparurent.
Alors Izanig entendit un vacarme épouvantable, des cris, des
imprécations, des hurlements, des grincements. C’était à glacer le sang dans
les veines. Le beau-frère s’était retourné vers lui.
— Il est regrettable, dit-il à Izanig, que tu aies
manqué à ta promesse de ne parler à personne et de ne rien toucher de ce qui
t’entourait. Nous ne pouvons aller plus loin ensemble. Il faut que tu retournes
près de ta sœur. Quant à moi, je poursuivrai ma route et je rentrerai à mon
heure ordinaire. Alors je te mettrai dans le bon chemin pour retourner chez
toi.
Quand Yvona le vit revenir, elle lui dit :
— Te voici déjà de retour, mon frère chéri ?
— Oui, ma sœur chérie, répondit-il tout triste.
— Et tu reviens seul ?
— Oui, je reviens seul.
— As-tu appris où allait mon mari ?
demanda-t-elle.
— Hélas non, dit Izanig, car j’ai désobéi à ses ordres
et il n’a pas voulu que je continue avec lui.
Et Izanig expliqua à sa sœur ce qui s’était passé, comment
son beau-frère l’avait remarqué et comment ils avaient fait route ensemble
jusqu’à l’incident des deux arbres.
Vers le soir, le mari d’Yvona rentra à son heure habituelle.
Il dit à Izanig :
— Tu as été trop curieux, beau-frère, et de plus, tu
m’as désobéi. Tu as parlé à quelqu’un malgré ma recommandation et malgré ta
promesse de n’en rien faire. À présent, il te faut retourner un peu dans ton
pays.
Izanig fit ses adieux à sa sœur et à son beau-frère. Puis
celui-ci lui indiqua le chemin qu’il devait prendre.
— Va maintenant, lui dit-il, et ne crains rien. Je ne
te dis pas adieu car nous nous reverrons bientôt.
Izanig s’en alla sur le chemin que son beau-frère lui avait
indiqué, un peu triste de s’en retourner ainsi et déçu de ne pas avoir appris
ce qu’il voulait savoir. Son voyage se passa sans histoire, et ce qui l’étonna
le plus, c’est de ne sentir ni la faim, ni la soif. Il avait retrouvé son
cheval maigre et galopait à travers les forêts et les campagnes. Le cheval non
plus ne semblait pas souffrir ni être fatigué. Il arriva ainsi bientôt dans son
pays, tout joyeux à l’idée de retrouver ses parents et ses frères et de pouvoir
leur donner des nouvelles de sa sœur.
Il se rendit à l’endroit où se trouvait la maison de son
père. Il fut bien étonné de trouver une prairie à cet emplacement, avec des
hêtres et des chênes déjà bien vieux.
— C’est pourtant bien ici ! se dit-il.
Il pénétra dans une maison, non loin de là, et demanda où
demeurait Iouenn Dagorn, son père.
On lui répondit :
— Iouenn Dagorn ? Il n’y a personne ici de ce nom.
Cependant, un vieillard, qui était assis près du foyer lui
dit :
— J’ai entendu mon grand-père parler d’un Iouenn
Dagorn, mais il y a bien longtemps qu’il est mort. Ses enfants et les enfants
de ses enfants sont morts eux aussi. Il n’y a plus de Dagorn dans le pays. On
m’a aussi raconté que la fille de ce Iouenn Dagorn avait épousé un étranger
venu d’on ne sait d’où et que son plus jeune fils avait disparu en allant
retrouver sa sœur.
Izanig n’en revenait pas de tout ce qu’il entendait. Il ne
connaissait plus personne dans le pays, et personne ne le connaissait. Il se
demandait bien ce qu’il allait faire. Il alla jusqu’au cimetière et vit les
tombes de ses parents. Alors il se rendit compte qu’il était resté près de
trois cents ans dans le Château-Vert, auprès de sa sœur et de son beau-frère.
Il entra dans l’église et y pria du fond de son cœur. Puis il mourut sur place.
Il est sans doute allé rejoindre sa sœur au Château-Vert.
Prat (Côtes-du-Nord).
Scaër (Finistère).
Il
existe de très nombreuses versions de ce conte, dont plusieurs sont très
christianisées : le beau-frère y est un ange et il emmène le jeune héros
aux portes du paradis. Dans la version présentée ici, qui est la synthèse de
deux récits, les éléments mythologiques sont demeurés plus visibles. Le
beau-frère est évidemment le soleil qui se lève chaque matin pour aller faire
le tour de la terre et qui revient seulement le soir. Le Château-Vert est le
Pays de l’Éternelle Jeunesse, le paradis des Celtes, un Autre-Monde dans lequel
seuls les initiés ont le droit de pénétrer. Le géant qui se transforme
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