Contes populaires de toutes les Bretagne
dans
l’étable. Mais dans l’étable, il n’y avait rien qui fût anormal : les
vaches étaient paisiblement couchées sur la litière et elles semblaient
étonnées de l’irruption de leur maître à une heure aussi avancée de la nuit.
Très surpris, Guennek, à la lueur de sa chandelle de résine,
examina soigneusement tous les recoins, et, soudain, il remarqua que la place
de la vache noire, qu’il avait ramenée après bien des efforts, était vide.
Il se demandait bien ce que cela voulait dire. Il ouvrit la
porte de l’écurie, et dès que ses yeux se furent habitués aux ténèbres, il
aperçut une vache, il n’y avait pas de doute, c’était la sienne, qui traversait
tranquillement le village.
Il s’avança donc pour l’arrêter et la ramener. Mais il
n’avait pas fait trois pas que la vache devint un homme très grand qui se mit à
courir vers la mer en riant aux éclats. C’était Kollé Porh-en-Dro.
Une autre fois, ce fut le tour de Loeiz Rouzig de perdre son
cheval. Il l’avait cherché toute la soirée et la nuit était tombée depuis
longtemps, très sombre et froide, avec de grands nuages qui couraient dans le
ciel. Dix heures venaient de sonner au clocher du bourg, et dans la lande
parsemée de grosses pierres, Rouzig errait encore, désespérant de retrouver son
cheval, et prêt à rebrousser chemin.
Or, devant lui, à quelque distance, il aperçut une forme
blanche qui s’avançait le long d’une haie. Il n’osait pas approcher trop près
et il écarquillait les yeux tant qu’il pouvait. Mais oui, c’était bien un
cheval. Il s’approcha quand même, mais derrière le buisson. Il reconnut alors
son cheval blanc.
Au comble de la joie, Rouzig prépara sa bride et appela
doucement son cheval. La bête leva la tête, huma l’air, partit au trot et vint
se placer un peu plus loin, le long d’une haie, dans un fossé assez profond où
il ralentit le pas et commença à brouter l’herbe.
Rouzig, toujours en se cachant, fit un détour, et,
brusquement, il sauta sur le dos du cheval, qu’il enfourcha avec vigueur.
Aussitôt le cheval, pris à l’improviste, partit au triple
galop, sauta plusieurs haies et parvint sur la route du Mének à Porh-en-Dro où
il continua sa course. Rouzig essayait de ralentir son élan, il serrait la
bride, il l’appelait par son nom, rien n’y faisait, et le cheval continuait à
galoper comme un fou. On aurait dit que ses pieds ne touchaient même pas terre,
tellement il allait vite. Rouzig voyait les pierres et les arbres passer à
toute vitesse auprès de lui, et il eut peur que le cheval ne le fît tomber sur
une roche où il se serait fracassé la tête.
Bientôt, ils arrivèrent à Porh-en-Dro. Alors le cheval
ralentit son allure, comme s’il était fatigué. Rouzig n’attendit pas plus
longtemps, il sauta à terre et prit l’animal par la bride. Mais la bête refusa
de faire un pas, et faisant contre mauvaise fortune bon cœur, Rouzig se vit
obligé de remonter sur le dos du cheval.
Il n’était pas plus tôt installé que le cheval repartit au
triple galop. Mais cette fois, il se dirigeait tout droit vers la mer. Le
pauvre Rouzig ne pouvait en croire ses yeux.
— Au secours ! cria-t-il.
Mais sa voix se perdit dans l’espace et sa monture galopait
toujours à un train d’enfer. On arrivait à la mer et Rouzig se voyait déjà
englouti par les flots. Il commença à réciter son acte de contrition, quand
soudain, il sentit que le cheval se dérobait sous lui. Au bout de quelques
instants, il y eut un choc et Rouzig se retrouva allongé sur le sable, à
quelques pas de l’eau qui montait.
Il se releva, quelque peu ébahi. La première chose qu’il
fit, ce fut de chercher son cheval. Mais il ne vit plus rien. Par contre, sur
un gros rocher, il aperçut une forme humaine secouée de grands éclats de rire.
Alors il comprit que c’était Kollé Porh-en-Dro qui lui avait joué ce mauvais
tour.
Rentré chez lui, il raconta ce qui lui était arrivé. Son
père, qui veillait encore, lui dit alors pourquoi ce diable-là était appelé
Kollé Porh-en-Dro.
Il y avait longtemps déjà. C’était un dimanche soir. Les
vêpres étaient finies et le père Nedeleg s’en revenait lentement chez lui,
appuyé sur un grand bâton. C’est qu’il était vieux, le père Nedeleg, c’était
sûrement le plus vieux de la paroisse : il avait quatre-vingts ans passés
depuis un bon bout de temps. Mais cela ne l’empêchait pas d’aller
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