Contes populaires de toutes les Bretagne
promener sur la route, aperçut au
loin le prince qui revenait avec ses soldats. Elle retourna en hâte au château
pour annoncer la nouvelle à la princesse. Puis elle prit les vêtements de sa
sœur, et comme elles se ressemblaient beaucoup toutes les deux, elle s’avança à
la rencontre du prince.
Le prince l’embrassa et dit :
— Tu portes les vêtements de la princesse, mais tu n’es
pas elle. Je veux aller voir ma femme.
Il pénétra dans le château et s’en alla directement à la
chambre de la princesse. Quand il la vit, il lui dit :
— Tu es bien changée. Tu as la fièvre.
— Oui, répondit la princesse, depuis neuf mois et demi.
— Je le savais bien, et pourtant, je ne suis pas
sorcier. Je sais aussi que tu as eu un fils.
— Hélas ! oui ! dit-elle. Mais qui vous l’a
dit ?
— Avant-hier, pendant la nuit, alors que j’étais à
cheval sur la route qui mène au château, je passais dans une forêt. Tout à
coup, j’ai vu sortir six korrigans des fourrés. Le sixième m’a averti que tu
avais eu un fils. Cependant, je te laisserai en paix, car il m’a raconté
comment cela s’était passé.
La princesse fut soulagée d’entendre son mari parler ainsi.
— Eh bien ! dit le prince, tu es contente
maintenant de ton fils, mais il est venu par sorcellerie dans le monde, c’est
le Korrigan qui me l’a dit. Demain, nous irons nous promener sur la route et
nous verrons le Korrigan.
— Je l’ai vu bien assez souvent, dit-elle.
— Voilà ce que c’est de se moquer des gens. Tu ne
savais pas qu’ils étaient bons et mauvais et que si on se moquait d’eux ils
pouvaient jeter des sorts ?
Le lendemain, ils s’en allèrent sur la route. Arrivés auprès
d’un bois touffu, ils aperçurent le Korrigan. Il venait au-devant d’eux.
— Bonjour à vous, dit-il. Voulez-vous venir avec moi et
visiter ma maison ? Comme cela vous pourrez vous rendre compte s’il y a du
poison ou de la boue.
Ils le suivirent à travers la forêt. Ils arrivèrent près
d’une grosse pierre et le Korrigan leur dit de le suivre à travers un trou
qu’il y avait dans la pierre. Ils obéirent et se trouvèrent dans un immense
couloir qui débouchait dans une salle décorée de belles statues et de grands
lustres qui donnaient une lumière féerique. Le prince dit à sa femme :
— Il y a ici des choses plus précieuses que dans notre
château.
Alors le Korrigan dit au prince :
— Ne sois pas fâché contre moi parce que j’ai fait une
sorcellerie à ta femme. Elle méritait qu’on lui donnât une bonne leçon, car
elle se moquait cruellement de moi. Certes, je ne suis pas beau et je suis de petite
taille, mais je sais certaines choses que vous ne connaissez pas, vous les
humains. Cependant, je ne veux pas que tu fasses des misères à ta femme :
par les noix son fils est venu, par les noix il s’en ira.
— Tu es capable de faire cela ? demanda le prince.
— Bien sûr, dit le Korrigan. Devant toi, et tout de
suite.
— Mais, dit la mère, il n’est pas ici. Il est resté au
château avec ma sœur.
— Quand bien même il serait à cent lieues, dit le
Korrigan, il arrivera jusqu’ici.
Deux heures plus tard, le petit garçon était là.
— Aimes-tu ta mère ? demanda le Korrigan.
— Oui, répondit l’enfant.
Le prince et la princesse s’étonnèrent que l’enfant pût
ainsi parler, étant donné son jeune âge. Le Korrigan continua à
l’interroger :
— Veux-tu rester avec elle, ou veux-tu t’en
aller ?
— Je resterais bien avec elle, répondit l’enfant, mais
il faut que je m’en aille.
— Pourquoi faut-il que tu t’en ailles ?
— Il y a quelqu’un qui m’attire.
— C’est moi qui t’attire, dit le Korrigan. À présent,
dirige-toi vers l’arbre où je suis allé te chercher.
L’enfant se mit à s’éloigner. Mais avant de disparaître, il
se retourna et dit :
— Adieu pour toujours. Ma mère est de nouveau une jeune
princesse sans enfant, comme si elle ne m’avait jamais donné le jour. Quant à
toi, Korrigan, ne fais plus de ces choses. Je sais bien qu’elle se moquait de
toi, mais elle est jeune : il fallait lui pardonner.
Et l’enfant disparut dans l’ombre.
— Vois-tu, prince, dit le Korrigan, sans cela, tu
aurais maltraité ta femme, car tu aurais cru qu’elle t’avait trompé. Or, elle
est innocente, et je lui pardonne les méchancetés qu’elle m’a dites. Je vous
souhaite à tous deux, chance et
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