Crépuscule à Cordoue

aussi vite que possible.
    Les Nones de mai tombaient le lendemain. Je n’avais pas oublié cette chaude nuit d’août, à Palmyre, au cours de laquelle nous avions probablement conçu notre bébé. Seuls les six premiers jours de mai s’étaient écoulés. Helena Justina n’accoucherait peut-être pas avant la fin du mois. Je tentai de me rassurer en me disant que tout serait terminé d’ici là. Je fis part de ces pensées rassurantes à ma compagne en la prenant dans mes bras. Elle s’efforçait de sécher ses larmes pour ne pas ajouter à mon dilemme, et de mon côté, je lui tenais le visage sur mon épaule pour qu’elle ne puisse pas voir mon expression inquiète.
    Je commençais à détester ce jardin. J’étais persuadé qu’Helena n’en avait pas bougé quand nous étions allés chez Quinctius, comme si elle avait peur que son retour dans la maison déclenche de nouvelles douleurs et la fasse accoucher prématurément. Et son anxiété s’ajoutait à la mienne.
    Ælia Annæa lui avait aimablement tenu compagnie pendant toute notre absence et elle n’était pas encore partie. À l’instant où Marius Optatus avait déclenché une crise en annonçant bêtement que j’allais me lancer à la poursuite de Quadratus, la jeune femme l’avait diplomatiquement emmené se promener dans le verger.
    Quand ils revinrent, elle s’installa sur une chaise pliante pour nous observer.
    — Je constate que les choses se sont arrangées, dit-elle. Tant mieux.
    — Attention à ce que tu vas dire, Ælia. Marcus n’aime que les femmes effacées et soumises, railla Helena Justina en se tamponnant discrètement les yeux.
    — Et pour ça, il a choisi la compagne idéale ! renchérit la riche veuve.
    Être propriétaire d’une mine d’or tend à vous donner une certaine assurance. Elle ajouta :
    — J’ai une suggestion à vous faire. Marcus Didius veut retrouver Quadratus, et Helena Justina va se mettre en route pour Rome. Je crois qu’elle devrait partir sans plus attendre pour pouvoir voyager lentement. C’est de ça que je viens de discuter avec Marius. Maintenant, je vais aller en parler à Claudia. Elle est très malheureuse chez elle, et je crois qu’elle devrait accepter l’aimable invitation d’Helena d’aller visiter Rome.
    — C’est que je ne lui en ai pas encore parlé, s’inquiéta ma compagne.
    — Ne t’inquiète pas pour ça, je m’en charge. Ça va être difficile pour elle d’abandonner ses grands-parents si vite après le décès de son frère, mais je suis certaine que si elle ne part pas maintenant, elle ne partira jamais. L’excuse sera qu’elle doit t’accompagner, Helena, car tu vas avoir besoin d’aide pendant ce long voyage. Et moi, je compte venir avec vous jusqu’à la côte. Nous utiliserons ma voiture qui est spacieuse et confortable. Cet individu, dit-elle en me désignant, pourra nous rejoindre à cheval dès qu’il en aura terminé.
    Ælia était directe et bien organisée, difficile de le nier. Helena Justina paraissait pourtant troublée.
    — Mais Marcus aura sûrement besoin d’assister au procès.
    — Non. Si procès il y a, il ne pourra avoir lieu qu’à Rome. N’oublie pas que Quadratus a été élu sénateur.
    Je me disais aussi que deux branches gouvernementales ayant séparément tenté d’élucider ces crimes, des tractations allaient avoir lieu. Et l’on exigerait probablement mon silence.
    — Alors ! s’exclama Ælia. Que pensez-vous de mon idée ?
    — Je pense que c’est une merveilleuse idée, approuvai-je en me levant pour lui baiser la main.
    Je commençais à éprouver autant de sympathie qu’Helena pour cette jeune femme.
    — Je te remercie, renchérit ma compagne, visiblement soulagée. Tu n’aimerais pas venir jusqu’à Rome toi aussi, Ælia ?
    Cette dernière adopta un air mystérieux pour répondre :
    — Non, merci, Helena. Pour l’instant, je ne peux pas trop m’éloigner de Cordoue.
    La voyant se lever pour prendre congé, je me rappelai qu’elle était venue avec Claudia :
    — Veux-tu que je demande à Marius Optatus de te raccompagner ?
    — Ne te dérange pas, je peux le faire moi-même, assura-t-elle en s’éloignant.
    Son voile avait glissé et elle avait laissé ses cheveux pendre naturellement pour les funérailles. Et même quand elle ne ployait pas sous le poids des bijoux, elle attirait l’œil irrésistiblement.
    Là-dessus, je décidai de me mettre en quête de Marmarides pour lui