Crépuscule à Cordoue

été nommé par Vespasien, n’allait certainement pas se montrer très heureux de cette initiative. Tout comme moi.
    Nous étions en train de perdre notre temps. J’avais le sentiment que les domestiques s’attendaient à ma visite. Ils faisaient montre d’une grande nervosité. Ils finirent par m’avouer qu’ils s’apprêtaient justement à m’envoyer chercher, parce que quelqu’un avait laissé ici même un message qui m’était personnellement adressé. Et, d’après leur expression, il m’était facile de deviner qu’il s’agissait d’un message déplaisant. Ils me conduisirent alors, en compagnie de Marcus, jusqu’à l’écurie où quelqu’un avait gribouillé sur une poutre basse : Pour Falco, suivi du dessin d’un œil.
    Juste au-dessous gisait sur la paille la danseuse Selia. Elle était vêtue d’un costume de voyage qui comprenait un chapeau mal enfoncé sur sa chevelure brune. Pas besoin d’être médecin pour comprendre qu’elle était morte. Sa peau était froide, mais ses membres bougeaient encore souplement. Elle avait été tuée nettement par un coup violent sur la nuque. Elle ne s’était sans doute même pas rendu compte de ce qui lui arrivait. Elle n’était pas étendue là depuis plus de quelques heures. Après le départ de Quadratus pour les mines. S’il n’était pas revenu subrepticement chez lui, il ne pouvait pas être tenu pour responsable de ce meurtre. En outre, c’était visiblement l’œuvre d’un professionnel.
    Si quelqu’un s’était mis en devoir de tuer tous les agents qui travaillaient pour Claudius Læta, j’étais probablement le suivant sur la liste.

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    Avant même que je commence à raconter le résultat de notre visite chez Quinctius, je compris qu’Helena était loin d’éprouver envers moi la tendresse qu’elle m’avait manifestée au cours de l’après-midi. Son expression était presque maussade. S’il m’était possible de comprendre ses raisons, j’aurais néanmoins apprécié un peu plus de sollicitude de sa part. Nous nous trouvions de nouveau dans le jardin. Je sentais poindre une querelle.
    — Pas les mines, Falco !
    — Tu n’as qu’à te dire que je vais simplement jeter un coup d’œil sur l’industrie locale.
    — C’est sans doute le mensonge que tu t’apprêtais à me débiter si Marius Optatus ne m’avait pas déjà avoué toute la vérité ?
    — Tu sais parfaitement que je ne te mens jamais.
    — Si, par omission !
    — C’est parce que je crois que c’est pour ton bien.
    — Tu m’énerves vraiment ! s’écria-t-elle.
    Je préférai éviter toute parole inutile qui n’aurait fait qu’envenimer les choses.
    — Marcus, tu viens de me mettre dans une situation impossible ! Je n’ai pas envie que tu partes, mais je ne souhaite pas non plus que tu restes auprès de moi à contrecœur, simplement à cause de ma condition. Et je sais quel effet les mines ont sur toi, depuis ta triste expérience en Bretagne.
    — Je ne vais pas m’engager pour extraire du minerai, chérie. Je veux seulement appréhender Quadratus et le traîner devant un tribunal. Mais tu as raison. Je ne suis pas indispensable. Quelqu’un d’autre peut y aller à ma place.
    — Oui. Sauf que tu crois que quelqu’un d’autre va tout gâcher.
    — Je m’en moque.
    — Bien sûr que non. Et je ne m’en moque pas non plus.
    Helena défendait toujours ardemment la justice, et c’était d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles j’étais tombé amoureux d’elle.
    — Ton accouchement constitue ma priorité. Je vais bientôt être père. Et pour moi, ça passe avant tout le reste !
    — Oh ! Didius Falco, tu as tellement de priorités qu’il te faudrait un boulier pour les compter ! Il n’y a pas de raison que ça change.
    — Tu as tout faux. Tu rentres à Rome, Helena, et je t’accompagne.
    — Tu as tout faux toi-même. Il faut que tu termines ton travail. (Elle avait pris une décision.) Ça ne me plaît pas, mais je sais que je dois l’accepter. Et je serais incapable de supporter la tête que tu ferais si je t’empêchais d’aller arrêter cette crapule.
    — Helena, il n’est pas question que je rompe ma promesse.
    — Je te dégage de ta promesse… temporairement. Tu n’as jamais essayé de te faire passer pour celui que tu n’étais pas, et je ne veux pas essayer de te changer. Trouve-le et arrête-le ! Et puis… (elle ne put retenir quelques larmes)… reviens près de moi