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Crépuscule à Cordoue

Crépuscule à Cordoue

Titel: Crépuscule à Cordoue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Lindsey Davis
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coupe de cheveux avait un dégradé seyant, et de qui émanaient les vertus traditionnelles : l’honnêteté, la droiture et la modestie. Moi, je voyais un homme âgé à l’expression indéchiffrable, auquel il m’était impossible d’accorder la moindre confiance.

29
    Depuis que nos regards s’étaient croisés pour la première fois, j’étais persuadé que Licinius Rufius savait exactement ce que je venais faire en Bétique. Il accepta de bonne grâce les compliments que je me sentis obligé de lui adresser sur l’aménagement de sa demeure, mais la conversation dévia rapidement vers les questions agricoles – ce qui allait me conduire insensiblement vers ce qui m’occupait. Si le mot « cartel » ne fut jamais prononcé, il n’en demeurait pas moins notre point de référence. Je finis par annoncer franchement la couleur :
    — Je pourrais prétendre que Decimus Camillus m’a demandé de venir jeter un coup d’œil à sa propriété, mais en réalité, je suis chargé d’une mission officielle…
    — Le bruit courait, en effet, qu’un inspecteur allait être envoyé par Rome, commenta Rufius sans chercher de faux-fuyant.
    Je n’étais pas vraiment étonné. La nouvelle qu’Anacrites allait détacher un agent et l’annonce de mon arrivée avaient dû transpirer depuis longtemps des bureaux du proconsul – si ce n’était pas lui qui l’avait annoncé en personne à tous ses amis bétiques.
    — J’aimerais discuter avec toi de la production de l’huile d’olive, déclarai-je sans ambages.
    — La Bétique est naturellement l’endroit idéal pour ce genre de discussion, railla-t-il.
    Je sentais que le vieil homme avait l’intention de mener le débat. Il avait sans doute l’habitude d’imposer ses opinions, et il paraissait bien décidé à ramener notre entretien à une série de chiffres, pour tenter de nous éloigner d’un complot qui avait valu à deux personnes de se faire fracasser le crâne. De toute façon, les hommes qui se sont enrichis d’une manière considérable ont tendance à croire qu’ils ont la science infuse.
    — J’ai déjà parlé chiffres avec Marius Optatus, qui s’occupe du domaine de Camillus, glissai-je rapidement. Il estime qu’il y a environ cinq millions d’oliviers et un millier de pressoirs sur les terres qui bordent le Guadalquivir. Et je suppose qu’un gros propriétaire comme toi devrait posséder trois mille acti quadrati [7] .
    Il opina sans un mot, ce qui devait signifier qu’il en possédait davantage. C’était impressionnant.
    — Combien arrives-tu à produire d’huile ? demandai-je sans détour.
    — Oh ! ça varie naturellement chaque année selon le temps qu’il a fait. Disons entre quatre et cinq mille amphores.
    De quoi s’offrir une véritable forêt de colonnes corinthiennes, et aussi un forum auquel il pourrait donner son nom.
    — Et comment se porte mon jeune ami Optatus ? s’empressa-t-il de demander pour changer de sujet.
    — Oh ! il a l’air de s’habituer à sa nouvelle vie. Il m’a vaguement mis au courant de ses malheurs.
    — J’ai vraiment été heureux pour lui, en apprenant qu’il avait trouvé une autre propriété à prendre en fermage, énonça le vieil homme sur un ton que je trouvais particulièrement irritant.
    Il parlait de Marius Optatus comme s’il se fût agi d’un ouistiti apprivoisé. Et d’après ce que je croyais savoir du fermier, il détestait la moindre marque de commisération à son égard.
    — La manière dont il a été expulsé de son ancienne ferme paraît assez imméritée. Il n’a pas eu de chance, ou il est tombé dans un piège ?
    — Oh ! il doit s’agir d’un malheureux concours de circonstances, affirma Licinius Rufius, qui savait pertinemment que ce n’était pas le cas.
    Pas question pour lui, cependant, de lancer des accusations contre un autre gros propriétaire du coin. C’est toujours une initiative commerciale désastreuse. Prodiguer des encouragements aux victimes n’a jamais rien rapporté à personne.
    — Je suppose que Quinctius Attractus mène ses affaires sans aucun sentiment ?
    — Il sait se montrer ferme, et ce n’est pas moi qui vais le lui reprocher.
    — En tout cas, il paraît loin de l’attitude paternaliste et bienveillante qui est de tradition chez nous. Que penses-tu de lui personnellement ?
    — Oh ! s’exclama-t-il. C’est à peine si je le connais.
    — Je ne te demande pas de critiquer un collègue.

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