Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Crucifère

Crucifère

Titel: Crucifère Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
Vom Netzwerk:
s’évertuaient à les convaincre d’arrêter de se battre, ou d’aller discuter ailleurs. C’était une ville où les idées régnaient. Même la nuit n’interrompait pas les conversations. Des torches étaient apportées au milieu des rues, et les causeurs débattaient à leur lueur crachotante. Deux chaises suffisaient à six culs. C’est donc au pas de la tortue qu’ils remontèrent la principale artère de la ville.
    — Laissez passer, convoi de philosophes ! s’égosillait Emmanuel.
    Petit à petit, les gens s’écartaient de leur chemin – mais, comme la mer se refermant derrière la coque qui la fend, d’autres venaient les remplacer. Vendeurs de petits pains, de sucreries ou de vin, les étals étaient partout, mouvants. Ils n’attendaient pas le client – ils le devançaient. Mieux : ils procédaient à sa création. Telle femme, célèbre pour l’appétit de ses enfants, était poursuivie par une demi-douzaine d’éventaires. L’un voulait lui vendre fourchettes et couteaux, indispensables aux grands de la cité. Un autre des draps où s’essuyer les doigts, et un troisième du rouge à lèvres ! La femme les ignorait superbement, confiant à ses laquais le soin de les chasser.
    Cassiopée et Emmanuel continuaient d’avancer, en s’efforçant de refuser tout ce qu’on leur proposait.
    Après avoir acheté toutes sortes de babioles inutiles, ils virent enfin se dessiner, au bout de l’avenue, l’un des portiques menant à l’Œil de la Terre. Comme c’était l’heure du déjeuner, plusieurs chariots – certains chargés de chèvres, d’autres de poissons frais – s’y pressaient, tassés les uns contre les autres. Nul n’était autorisé à avancer sans avoir été fouillé. Des gardes enfonçaient leur lance dans des sacs de grains, ouvraient les tonnelets de vins, examinaient les animaux.
    — Que redoutent-ils ? demanda Emmanuel.
    — Il y a plusieurs années, des tueurs ont réussi à pénétrer dans le palais de l’empereur en se cachant dans une statue d’éléphant.
    — Drôle d’idée.
    — Heureusement, précisa Kunar Sell, Coloman était là. Il a démasqué les intrus et les a passés par le fil de l’épée.
    — Je suppose, dit Emmanuel, que c’est comme ça qu’il a gagné son titre de Maître des Milices.
    — Non, dit Kunar Sell. Il l’était déjà.
    C’est alors qu’un garde leur fit signe d’approcher.
    — Que vendez-vous ?
    — De bons cochons bien gras.
    — Combien ?
    — Tout juste une dizaine.
    — Combien en voulez-vous ?
    — Deux besants.
    Le garde inspecta leur carriole, mais la puanteur était telle qu’il leur dit rapidement :
    — Entrez donc, allez voir le payeur général.
    Puis, leur ayant fait signe de franchir l’enceinte du palais, il s’avança vers un autre chariot.
    — Vous voyez, dit Cassiopée. Ce n’était pas difficile.
    — Non. C’est maintenant que ça se complique.
    Selon le chargement qu’ils transportaient, les chariots étaient dirigés vers les bâtiments « chauds » ou « froids ».
    Dans les bâtiments « chauds », les bêtes étaient remises entre les mains d’équarrisseurs ; dans les bâtiments « froids », les marchandises étaient entreposées dans l’attente d’un prochain repas.
    — L’endroit qui nous intéresse est au nord-ouest, expliqua Kunar Sell.
    Emmanuel, de plus en plus rongé par l’inquiétude depuis qu’ils étaient à Constantinople, demanda à Cassiopée :
    — Vous êtes vraiment sûre de ne pas vouloir que je vous accompagne ?
    — Vous me mettriez en danger, c’est beaucoup trop risqué.
    — Silence, leur dit Kunar Sell. Ce n’est pas le moment de parler de ça. Nous approchons…
    Comme ils entraient dans un vaste entrepôt, Cassiopée mit à profit un cahot du chariot pour se laisser couler à terre, et vite se faufiler sous les roues de l’attelage voisin. Passant entre les jambes d’un bœuf, puis d’un âne, elle gagna un long couloir baigné d’ombre. Si ses souvenirs étaient exacts, la terrasse où les nouvelles recrues étaient invitées à festoyer le soir de leur arrivée était située juste de l’autre côté. Il lui suffisait de gagner le petit jardin dont elle percevait les odeurs d’herbe et de roses fraîchement coupées, puis de longer un mur orné de magnifiques fresques…
    La difficulté consistait à éviter les nombreux gardes et apprentis miliciens qui se trouvaient dans les parages. Même les

Weitere Kostenlose Bücher