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Crucifère

Crucifère

Titel: Crucifère Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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la terre ou le tenir à la main – sans lui arracher les cheveux.
    Il y eut un bref instant de silence, puis une brise leur apporta une odeur de pin – qui les changea agréablement de la puanteur dans laquelle ils voyageaient depuis plus d’une semaine.
    — Vous ne pouvez vraiment pas venir avec nous ? demanda Emmanuel à Gargano.
    Tous les regards se portèrent vers l’aimable géant qui avait aidé Cassiopée à faire ses premiers pas. Il semblait chagriné, et comme sur le point de changer d’avis. Mais il expliqua :
    — J’ai déjà trop tardé à rentrer. Ma montagne me manque, et sans moi elle se meurt. Si je ne m’y rends pas très vite, il y a de fortes chances pour qu’elle disparaisse, et avec elle toute sa faune et sa flore. Et puis, avec vous, je ne suis pas inquiet, dit-il en posant la main sur l’épaule d’Emmanuel. Je sais que vous veillerez sur elle…
    — Il est temps d’y aller, coupa Cassiopée. Constantinople nous tend les bras.
    Gargano se leva, s’étira. Puis se massa les genoux, endoloris à force d’être restés pliés.
    — Tiens, dit-il en donnant à Cassiopée l’une des pommes d’ombre de l’Arbre de Vie. C’est la dernière. Un petit cadeau d’adieu.
    — Merci, dit Cassiopée en la fourrant dans son sac. Au fait, ça a marché avec les Muhalliq ?
    — Hélas non. Les morts sont restés morts…
    Le géant mit la main dans les cheveux de Cassiopée, et les lui ébouriffa :
    — Tu te rappelles, quand tu étais petite, tu ne supportais pas qu’on te touche les cheveux ?
    Cassiopée sourit à son parrain, lui prit la main et y déposa un baiser :
    — Sur ce point-là, je n’ai pas changé !
    — Adieu, mes amis, dit-il alors à Rufinus, Emmanuel et Kunar Sell. Adieu, ma filleule adorée !
    — Adieu, mon parrain adoré, répondit Cassiopée. Embrasse ta montagne pour nous.
    — Je n’y manquerai pas.
    Et, comme Guyane de Saint-Pierre quelques semaines plus tôt, Gargano disparut. Non pas d’un bond, dans les cieux, mais en descendant vers l’orient. D’abord, ils virent sa massive silhouette cacher celles des troncs. Puis disparaître entre eux. Ensuite, il n’y eut plus que quelques craquements de branches.
    Un animal poussa un cri.
    C’était fini.
    Gargano était parti.

50.
    « Flancs de gazelle, pattes d’autruche,
Aisance du loup, hâte du renardeau. »
    (IMRU’AL-QAYS,
    La Mu’allaqa.)
    Cassiopée rabattit sur son visage le fin voile de lin blanc qu’elle avait pris à Tyr, afin de se donner l’apparence d’une épouse byzantine. Emmanuel, qui s’était déguisé en marchand, arborait de magnifiques bagues et avait enfilé plusieurs rangs de colliers. Un drap de grosse toile, enroulé autour de son estomac, lui faisait une jolie bedaine qui témoignait du dynamisme de ses affaires. Quant à Kunar Sell, de vieilles braies et un vilain surcot lui conféraient l’allure d’un valet – rôle dans lequel il excellait. Leurs armes étaient dissimulées dans une cache, située sous leur carriole.
    Rufinus, lui, avait été glissé dans le sac à dos d’Emmanuel, où deux fentes avaient été pratiquées. Ainsi, il pourrait y voir et assurer les arrières de tout le monde.
    — N’oooubliez pas d’y faire aussi un trooou pour me permettre de respireeer, haleta-t-il quand le sac à dos fut refermé.
    — Tu ne respires pas, lui rappela Cassiopée.
    — Ah oui, c’est vraaai !
    — N’oublie pas de garder les paupières baissées. Je vais te les farder de noir. Ainsi personne n’y verra rien. Seulement, évite d’ouvrir les yeux au beau milieu de la foule, je n’aimerais pas qu’on s’exclame : « Oh ! mon Dieu, un sac à dos avec des yeux ! »
    — Je gaaarderai les paupièèères baissées, promit Rufinus. Et me contenterai de regaaarder entre mes ciiils.
    Ces préparatifs terminés, l’oiselle fut envoyée survoler les alentours afin de s’assurer qu’ils étaient exempts de tout danger. À son retour, la carriole descendit la petite colline et se dirigea vers Constantinople.
    Le problème n’était pas d’y entrer. C’était d’y circuler. Une foule dense, compacte, en occupait les rues à toutes les heures du jour. Des attroupements s’y formaient, pour échanger des idées. Des groupes se mêlaient les uns aux autres, parlant philosophie ou religion. Parfois, une bagarre éclatait. Des gardes intervenaient – mais plutôt que de séparer les belligérants par la force brutale, ils

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