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Crucifère

Crucifère

Titel: Crucifère Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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n’ai aucune envie de servir de pâture aux requins, dit Kunar Sell.
    — Je n’en ai pas non plus l’intention, dit Cassiopée. Alors voici ce que je vous propose…
    Leur plan mis au point, Emmanuel et Cassiopée s’enfoncèrent dans la jungle, tandis que Kunar Sell se préparait à défendre le campement.
    — Qu’ils viennent, ils trouveront à qui parler ! avait-il dit en empoignant sa lourde hache.
    Puis les défenseurs du petit camp de Bab el-Mandeb avaient salué de la main leurs amis, en leur souhaitant bon courage.
    L’air était lourd et gras, empli de substances molles, saturé de moustiques et d’humidité.
    — J’étouffe, dit Emmanuel. On n’avance pas…
    Cassiopée ne lui répondit pas, mais abattit Crucifère sur une immense toile d’araignée qui lui barrait le passage. Les filaments gluants s’agglutinèrent autour de la lame, et glissèrent à terre. Rien, jamais, n’avait adhéré à Crucifère – dont la lame était si effilée, si tranchante, que même le sang n’y restait pas. D’une certaine façon, l’épée demeurait toujours vierge, comme au sortir de la forge.
    — Tu es sûre que c’est par ici ? demanda Emmanuel en écartant de la main une autre toile d’araignée.
    — Sûre et certaine.
    Elle s’essuya le front avec son gant, y écrasant sans s’en apercevoir une minuscule araignée blanche. Un sang poisseux lui barbouilla le visage, tandis que dans ses cheveux d’autres araignées blanches se mirent à détaler. Emmanuel les aperçut :
    — Cassiopée ! Sur ta tête !
    — Quoi donc ?
    — Des araignées !
    Elle planta Crucifère dans le mélange de boue, de mousse et de feuilles mortes qui tapissait le sol, et se passa les mains dans les cheveux afin d’en faire tomber tout ce qui avait pu s’y réfugier. Mille-pattes, scolopendres, petits insectes et bien sûr araignées blanches en dégringolèrent, roulèrent sur sa tunique, et tombèrent à terre, où elle les laissa fuir, paniqués.
    — Tu ne les écrases pas ? s’étonna Emmanuel.
    — Jamais. Pourquoi ?
    — Elles pourraient revenir…
    — Elles sont probablement inoffensives.
    — Elles, peut-être. Mais leur mère ?
    — Eh bien, raison de plus pour ne pas la contrarier, n’est-ce pas ?
    Nerveux, Emmanuel rajusta son keffieh, et se demanda s’il n’allait pas mettre son bouclier sur sa tête – plutôt que de le garder sur son dos. Mais il pensa que ce serait là offrir un peu glorieux spectacle à Cassiopée, et décida de n’en rien faire. Il avait la phobie des insectes depuis qu’il était tout petit. Les Sarrasins ne lui faisaient pas peur, mais les sales bestioles – de celles qui vous percent des trous dans la peau à votre insu – le dégoûtaient. Il s’en imaginait couvert, de la tête aux pieds. Elles lui entraient par la bouche, les oreilles et le nez, puis se frayaient de nouveaux orifices en lui forant le crâne. Était-ce d’avoir vu, enfant, le cadavre de son père dévoré par la mort ? Celle-ci avait pris la forme de minuscules chenilles, scarabées, larves, mouches et autres insectes rampants, bourdonnants et mordants, qui lui avaient rongé le corps de l’intérieur. Sa dépouille avait été abandonnée au pied de l’enceinte sud de Jérusalem, du côté de la vallée de Hinnom ; vallée qui servait depuis des temps immémoriaux de décharge à ordures aux Hiérosolomytains. Là, les détritus étaient jetés dans d’immenses brasiers, alimentés en soufre par des esclaves à la peau craquelée, aux poils et aux cheveux roussis. Ils jetaient ce dont les habitants ne voulaient plus, après avoir gardé pour eux ce qui pouvait encore servir. D’ordinaire, ils avaient l’interdiction de brûler les corps, mais il arrivait parfois que la carcasse d’un chien ou d’un chat y débute une nouvelle vie – pour ceux qui croyaient à l’au-delà des chiens et des chats.
    Le père d’Emmanuel avait trouvé la mort on ne savait comment – peut-être empoisonné, par on ne savait qui. Sa dépouille avait été cachée dans une charrette à ordures, d’où elle avait roulé quand on en avait déversé le contenu dans la décharge. C’est là que les gardiens de la Géhenne l’avaient découverte. D’abord, ils n’avaient pas su quoi faire. Fallait-il la livrer aux flammes ? L’un des gardiens avait prévenu sa hiérarchie qu’un corps avait été trouvé mêlé aux ordures de la ville. Autrefois, c’étaient des cadavres de la

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