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Crucifère

Crucifère

Titel: Crucifère Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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Jébuséens et des Juifs ; des gestes que les Romains, puis les Byzantins, les Arabes, et enfin les chrétiens puis de nouveau les Arabes, avaient effectués pendant des siècles et des siècles.
    Les sapeurs les ignoraient, et Cassiopée eut la sourde impression de ne pas exister. « Savent-ils seulement que nous sommes là ? Nous voient-ils ou ne sommes-nous pour eux que des fantômes ? »
    Elle se demandait s’il n’y avait pas sous ce brasier une ouverture permettant de descendre aux Enfers. Mais son voyage dans le cratère du Vésuve lui avait servi de leçon, et elle n’avait aucune envie de s’aventurer au milieu de cet incendie. « Qui plus est, songea-t-elle en se rappelant les paroles de son oncle, le feu de la Géhenne est destiné aux musulmans qui ont péché. Il s’agit d’un Enfer provisoire. Ce n’est ici que la première porte… »
    — Qu’en penses-tu ? s’enquit Simon.
    — Il faut entrer dans la cité et trouver Massada. Il pourra peut-être nous aider.
    Simon opina du chef, et ils dépassèrent le brasier. Seules restaient leurs ombres, qui dansaient en face d’eux, sur les murailles de Jérusalem, et la puanteur soufrée qui leur chauffait le dos.

17.
    « On dit que certains morts se sont montrés, soit pendant le sommeil, soit de toute autre manière, à des personnes vivantes. Ces personnes ignoraient l’endroit où leur cadavre gisait sans sépulture. Ils le leur ont indiqué et les ont priées de leur procurer la tombe qui leur manquait. »
    (SAINT AUGUSTIN,
    De cura pro mortuis gerenda.)
    Cassiopée mit un voile sur ses cheveux et tendit à Simon le sauf-conduit signé par Saladin :
    — Il vaut mieux que ce soit toi qui le montres aux gardes.
    — Mais je ne parle pas arabe !
    — Tu n’auras pas besoin de parler. Quand ils verront le sceau des Ayyubides, ils ouvriront les portes sans discuter.
    — Espérons-le.
    Ils se dirigèrent vers la porte de David, dont les épais battants sertis de bronze étaient fermés. D’ordinaire, personne n’avait le droit d’entrer ou de sortir de Jérusalem à cette heure de la nuit, surtout en ces temps troublés. Mais quand les gardes approchèrent leur flambeau du sauf-conduit, ce fut un peu comme si Saladin s’était lui-même trouvé devant eux. Après mille courbettes, ils ordonnèrent qu’on ouvre les portes ; et les juments de Cassiopée et Simon entrèrent dans la cité.
    Les murailles s’élevaient autour d’eux comme des montagnes, leur donnant l’impression d’avancer dans un gouffre. La nuit étant totale, ils n’avaient pour se repérer que la lumière des étoiles.
    — Où allons-nous ? demanda Simon.
    — À la maladrerie de Saint-Lazare.
    — Mais c’est une léproserie !
    — Celle-là même où les premiers croisés ont découvert la Vraie Croix. Du moins, celle qu’ils croyaient telle.
    Simon sembla hésiter.
    — Je vais peut-être t’attendre dehors.
    — Alors c’est terminé ? Ce n’est plus : « Où tu vas, je vais » ?
    Un coin de sa bouche se leva pour sourire, puis retomba rapidement.
    — C’est bon. J’ai compris…
    Ils suivirent une avenue qui montait, dans un bruit de sabots frappant sur les pavés. Cassiopée n’avait presque pas besoin de regarder où ils allaient – elle aurait pu se rendre à la maladrerie les yeux fermés. Hormis Constantinople, où elle avait appris le métier des armes, Jérusalem était la ville qu’elle connaissait le mieux. Avec sa tour de David et ses hautes murailles, son Saint-Sépulcre et son tombeau du Christ, son mont Moriah, son dôme du Rocher, Jérusalem était un condensé de la vie de Cassiopée. Un mélange de croyances et de mœurs impossibles à distinguer les unes des autres tant la vie, les épreuves et le temps les avaient soudées – leur conférant une nouvelle identité.
    Effleurant de sa main gantée de cuir la façade d’un bâtiment du vieux quartier juif, elle eut la sensation que la cité lui disait : « Bienvenue chez toi. »
    — Nous y voilà, dit-elle enfin.
    La maladrerie de Saint-Lazare avait été bâtie au cours du règne de Charlemagne, pour accueillir les pèlerins venus prier sur la tombe du Christ. Au fil des siècles, l’endroit avait fini par s’ouvrir à toutes sortes de malades – juifs, chrétiens ou musulmans. On y soignait tout le monde, à l’exception des femmes. Celles-ci étaient dirigées vers une autre bâtisse, où des nonnes les prenaient en charge.
    Cassiopée

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