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Dans le jardin de la bête

Dans le jardin de la bête

Titel: Dans le jardin de la bête Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Erik LARSON
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« quelque peu embarrassé » quant à la façon de résoudre la question. Dodd lui avait déclaré précédemment qu’il ne souhaitait pas de mutations, mais il apparaissait à présent qu’il les réclamait. « Désirez-vous effectuer des mutations ? demanda Phillips, ajoutant : si… la question raciale nécessite des rectifications au vu des conditions particulières en Allemagne, il sera parfaitement possible pour le Département de s’en acquitter sur une recommandation précise de votre part. »
     
    Ce même mercredi, à Berlin, Dodd écrivit une lettre à Roosevelt ; il jugeait le sujet tellement sensible que non seulement il rédigea ce courrier à la main, mais il l’adressa d’abord à son ami le colonel House, afin que celui-ci puisse le remettre au président en main propre. Il insistait pour que Phillips se voie retirer son poste de sous-secrétaire et soit muté à d’autres fonctions, peut-être un poste d’ambassade ailleurs. Il suggérait Paris et ajoutait que le départ de Phillips de Washington « réduirait un peu le favoritisme  7  qui règne là-bas ».
    « Ne croyez pas que je poursuive des intérêts personnels ou quelque grief personnel. J’espère [sic] que seul le service public motive la présente lettre. »

30
    P RÉMONITION
    M artha se consumait pour Boris. Son amant français, Armand Bérard, consigné à l’arrière-plan, se morfondait. Diels prit aussi de la distance, même si elle le voyait encore souvent.
    Début janvier, Boris fixa un rendez-vous  1  à Martha, qui donna lieu à l’une des soirées romantiques les plus étranges qu’elle eût jamais vécues ; elle n’en sut rien à l’avance si ce n’est que Boris lui avait demandé de porter sa robe préférée – une soie dorée, épaules nues, décolleté profond et révélateur, moulante à la taille. Elle ajouta un collier d’ambre et un petit bouquet que Boris lui avait offert, des gardénias.
    Fritz, le majordome, accueillit Boris à la porte, mais avant qu’il puisse annoncer la présence du visiteur, Boris grimpa les marches quatre à quatre jusqu’au premier. Fritz le suivit. Martha était dans le couloir et s’approchait de l’escalier, comme elle le raconte dans un récit détaillé de la soirée. En la voyant, il mit un genou à terre.
    «  Ohmy darling  ! lança-t-il en anglais ; puis en allemand : tu es merveilleuse. »
    Elle était enchantée et légèrement embarrassée. Fritz fit un large sourire. Boris la conduisit à sa Ford – la capote relevée, heureusement, en raison du froid – et les conduisit au Horcher, un restaurant dans la Lutherstrasse, à quelques rues au sud du Tiergarten. C’était une des meilleures adresses de Berlin, spécialisée dans le gibier, et réputée être le restaurant préféré de Göring. Horcher était aussi censé être, d’après une nouvelle datée de 1929 de Gina Kaus, un écrivain très en vogue à l’époque, l’endroit idéal pour un rendez-vous galant  2 . On pouvait être placé sur une des banquettes en cuir et, à quelques tables de vous, il y avait Göring, resplendissant dans son uniforme du jour. En d’autres temps, on pouvait y croiser des écrivains, artistes et musiciens célèbres, et d’importants financiers et scientifiques juifs – voire Einstein en personne, connu pour son goût de la bonne chère – mais, désormais, la plupart avaient fui ou se trouvaient brusquement confinés dans une existence qui ne leur permettait pas de s’offrir des soirées onéreuses en ville. Le restaurant demeurait le même malgré tout, comme indifférent à tout ce qui avait changé dans le monde extérieur.
    Boris avait réservé un salon, où ils dînèrent fastueusement de saumon fumé, de caviar, de soupe de tortue, et d’un poulet à la Kiev. Pour le dessert, ils prirent une crème bavaroise au cognac. Le tout arrosé de champagne et de vodka. Martha apprécia les plats, l’alcool, les plafonds hauts, mais elle était perplexe. « Pourquoi tout cela, Boris ? demanda-t-elle. Qu’est-ce que nous fêtons ? »
    En guise de réponse, il sourit. Après le dîner, il roula vers le nord et tourna dans la Tiergartenstrasse comme s’il la raccompagnait chez elle, mais, au lieu de s’arrêter devant la maison, Boris continua sa route. Il longea la bordure sombre du parc jusqu’à ce qu’ils parviennent à la porte de Brandebourg et sur Unter den Linden, dont les soixante mètres de large étaient

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