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Dans le jardin de la bête

Dans le jardin de la bête

Titel: Dans le jardin de la bête Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Erik LARSON
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compagnie d’une bonne amie pour laquelle elle ressentait un lien filial – « Mammi » von Carnap, femme d’un ancien chambellan du Kaiser et qui avait été longtemps une excellente source d’informations pour la chronique de Fromm. Bien que fidèles à la vieille Allemagne, les Carnap éprouvaient de la sympathie pour Hitler et sa campagne en vue de rétablir la puissance de la nation.
    Mammi semblait être préoccupée. Après quelques instants, elle soupira : «  Bellachen , ma petite Bella, nous sommes tous si bouleversés  19  de voir que les nouvelles dispositions ont un pareil effet !
    – Mais Mammi, répliqua Fromm, sidérée. Vous ne vous rendez pas compte ? Ce n’est que le début. Tout cela va se retourner contre vous tous qui avez aidé à le créer. »
    Mammi ne tint pas compte de la remarque.
    « Frau von Neurath vous conseille de vous dépêcher de vous faire baptiser, dit-elle. Ils sont très soucieux aux Affaires étrangères d’éviter un deuxième incident. »
    Fromm trouva stupéfiant que quelqu’un puisse être ignorant des nouvelles réalités de l’Allemagne, au point de croire qu’un simple baptême puisse vous conférer le statut d’Aryen.
    « Pauvre vieille idiote ! » écrivit Fromm dans son journal.
    *   Mischling : métis, catégorie spécifique pour ceux qui n’ont qu’un seul grand-parent juif. ( NdT. )

27
    M ON BEAU SAPIN
    N oël était presque là. Le soleil d’hiver, quand il se montrait, ne parcourait que la moitié de sa course et projetait des ombres crépusculaires dès la mi-journée. Un vent glacial soufflait des plaines environnantes. « Berlin est un squelette  1  qui grelotte de froid, écrit Christopher Isherwood en parlant des hivers qu’il devait supporter quand il était en fonction à Berlin dans les années 1930. C’est mon propre squelette qui souffre. Je sens dans mes os la douleur aiguë du gel dans les poutrelles des caténaires au-dessus de ma tête, dans le fer forgé des balcons, dans les ponts, les voies de tramway, les lampadaires, les latrines. Le fer palpite et se rétracte, la pierre et la brique souffrent sourdement, le plâtre est engourdi. »
    La morosité ambiante était un peu allégée par le jeu des lumières dans les rues mouillées – les réverbères, les devantures, les phares, l’intérieur chaudement éclairé des innombrables tramways – et par les préparatifs de Noël. Les bougies apparaissaient dans chaque fenêtre et des grands sapins décorés de lumières électriques ornaient les places, les parcs et les coins de rue les plus fréquentés, reflétant un amour passionné pour cette période de l’année, que même les Sturmtruppen ne pouvaient réprimer et, de fait, récupéraient à leur profit. Ils monopolisaient le commerce des sapins de Noël  2 , qu’ils vendaient dans les gares de triage, apparemment pour soutenir le Winterhilfe – l’« Aide hivernale » –, l’œuvre de charité des SA pour les pauvres et les chômeurs, l’idée étant largement répandue parmi les Berlinois cyniques qu’elle finançait les fêtes et les banquets de Sturmtruppen, dont l’opulence et la débauche étaient légendaires, avec le champagne qui coulait à flots. Les SA allaient de porte en porte, équipés de boîtes de collecte rouges. Les donateurs recevaient de petits écussons à accrocher à leur vêtement et ils veillaient à les porter, faisant ainsi une pression indirecte sur ceux, courageux ou imprudents, qui avaient omis de donner leur obole.
    Un autre Américain eut des problèmes avec le gouvernement, ayant été dénoncé à tort par « des personnes qui lui en voulaient »  3 , d’après un rapport du consulat. C’était l’exemple même de l’esprit de délation qui, des décennies plus tard, deviendrait un motif récurrent des films sur l’époque nazie.
    Vers quatre heures et demie du matin, le mardi 12 décembre 1933, un Américain, nommé Erwin Wollstein, se tenait sur un quai de gare à Breslau et attendait un train pour Oppeln, en haute Silésie, où il comptait s’occuper d’affaires. Il partait très tôt car il espérait rentrer le soir même. À Breslau, il partageait un appartement avec son père, qui avait la nationalité allemande.
    Deux hommes en costume s’approchèrent de lui et l’appelèrent par son nom. Ils se présentèrent comme des membres de la Gestapo et lui demandèrent de les accompagner à un poste de police situé dans la

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