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Dans le jardin de la bête

Dans le jardin de la bête

Titel: Dans le jardin de la bête Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Erik LARSON
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chrétienne.
    « Mon athée chéri, s’enquit-elle, pourquoi m’aides-tu à décorer le sapin de Noël pour célébrer la naissance du Christ ? »
    Il éclata de rire.
    « Ce n’est pas pour les chrétiens ni pour le Christ, liebes Kind , s’exclama-t-il. Seulement pour des païens comme toi et moi. De toute façon, c’est très joli. Qu’est-ce qui te plairait ? demanda-t-il, assis au sommet de l’échelle. Veux-tu que j’accroche ces orchidées blanches tout en haut ? Ou préférerais-tu une belle étoile rouge ? »
    Elle la voulait blanche.
    Il protesta. « Mais le rouge est plus beau que le blanc, darling . »
    Malgré le sapin, Boris et la gaieté générale de la saison, elle sentait qu’un élément fondamental était absent de sa vie à Berlin. Ses amis lui manquaient – Sandburg, Wilder et ses collègues du Chicago Tribune – de même que leur maison confortable à Hyde Park. En ce moment, ses amis et voisins devaient se réunir pour passer des soirées agréables, chanter des chants de Noël et boire du vin chaud.
    Le jeudi 14 décembre, elle écrivit une longue lettre à Wilder. Elle se sentait profondément liée à lui. Le seul fait qu’elle le connaissait lui donnait une certaine crédibilité, comme si elle possédait, par réfraction, un certain cachet littéraire. Mais elle lui avait envoyé une nouvelle qu’elle avait écrite et il n’avait rien répondu. « Avez-vous perdu votre intérêt littéraire  5  pour moi ou, dirais-je, votre intérêt pour mon moi littéraire (ce qu’il en reste, s’il y en eut jamais un au départ) ? Et votre voyage en Allemagne ? Le laisserez-vous totalement passer ? Mince, vous m’avez vraiment abandonnée, pour que je glisse comme ça dans l’argot berlinois ! »
    Elle avait peu écrit par ailleurs, lui disait-elle, même si elle prenait un certain plaisir à rédiger des critiques de livres et à en parler, grâce à sa nouvelle amitié avec Arvid et Mildred Harnack. Ensemble, disait-elle à Wilder, « nous avons conclu que nous étions les seules personnes à Berlin véritablement intéressées par les écrivains ». Mildred et elle avaient commencé à tenir une rubrique littéraire. « Elle est grande et belle, avec une lourde masse de cheveux couleur de miel – du miel sombre sous un certain éclairage… Quelqu’un de très pauvre, de réel et de bien, mais qui n’a pas la cote même si c’est une vieille famille très respectée. Une véritable oasis pour moi qui meurs de soif ! »
    Elle laissait entendre que son père avait l’impression qu’une conspiration se montait contre lui au Département d’État. « Tout un dédale de haine et d’intrigue à notre ambassade, dans lequel on n’a pas réussi jusqu’ici à nous piéger », précisait-elle.
    Une haine bien personnelle l’avait également prise pour cible. Aux États-Unis, son mariage secret avec Bassett, de même que ses démarches également secrètes pour divorcer étaient devenues de notoriété publique. « C’est affreux ce que mes ennemis ont inventé sur mon compte à Chicago », confiait-elle à Wilder. Une femme, notamment, que Martha appelait Fanny, avait commencé à répandre des bruits particulièrement déplaisants par jalousie, de l’avis de Martha, à la suite de la publication d’une de ses nouvelles. « Elle soutient que nous avons eu, vous et moi, une aventure, et cela m’a été répété par deux personnes différentes. Je lui ai écrit l’autre jour pour pointer le danger qu’il peut y avoir à colporter des calomnies et lui ai indiqué qu’elle risquait de se mettre dans de sales draps. » Elle ajoutait : « Je suis navrée pour elle, mais cela ne change rien au fait que c’est une garce qui raconte plein de saletés. »
    Elle cherchait à faire ressentir à Wilder la ville hivernale derrière ses vitres, ce nouveau monde dans lequel elle se trouvait projetée. « La neige est douce et profonde ici – une fumée cuivrée embrume Berlin le jour et il y a l’éclat de la lune déclinante la nuit. Le gravier crisse sous ma fenêtre la nuit – un Diels austère, à la sinistre figure et aux lèvres délicieuses, Diels de la police secrète prussienne doit monter la garde et le gravier crépite sous ses semelles silencieuses pour m’alerter. Il porte ses profondes balafres aussi fièrement que je me promènerais avec une couronne d’edelweiss. »
    Elle exprimait un chagrin profond, envahissant.

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