Dans l'intimité des reines et des favorites
chiens de chasse et des difficultés qu’il avait à tuer les écureuils.
Marie l’écoutait avec ennui. Ce genre de conversation n’a jamais passionné les femmes et le regard brillant de la favorite signifiait clairement qu’aux anecdotes sur le gibier à poil elle eût préféré une main bien placée…
Arrivé à Paris, Louis XIII s’installa rue de Tournon, dans l’ancien hôtel de Concini (car le Louvre était aux mains des maçons), et pensa que sa vie allait être désormais une suite délicieuse d’heures consacrées à Marie et à la poésie. Anne d’Autriche et Marie de Médicis devaient se charger de le ramener brutalement à la réalité.
Anne s’était installée dans un appartement fort éloigné de celui de son mari et la reine mère avait réintégré son palais du Luxembourg. Dès qu’elles eurent vidé leurs malles, elles se précipitèrent chez le roi pour lui rappeler sa promesse de renvoyer Richelieu.
— La guerre avec l’Espagne est finie, vous devez tenir votre parole.
Pendant plusieurs jours, Louis XIII résista aux attaques de sa mère, puis il se laissa convaincre et accepta de chasser le cardinal. Celui-ci, qui habitait le Petit Luxembourg, était parfaitement renseigné par sa police personnelle sur les menées de la Florentine. Il savait même qu’elle voulait le remplacer par le garde des Sceaux Michel de Marcillac, et qu’elle était aidée dans son complot par le duc de Guise. Il se tenait prêt à contre-attaquer.
Le 10 novembre, il apprit que la reine mère, enfermée dans sa chambre, était en train de parler avec le roi. Fort inquiet, il chargea sa nièce, M me de Combalet, d’aller aux renseignements ; mais la Florentine barricada sa porte.
— Plous de cardinal ! Plous de nièces ! Plous personne ! cria-t-elle.
Le roi intervint, disant qu’on ne devait pas éveiller les soupçons de Richelieu par de ridicules maladresses, et il fit entrer la jeune femme. Marie de Médicis parvint à rester calme quelques instants : mais brusquement une fureur terrible la saisit et, nous dit Saint-Simon, « elle laissa couler un torrent d’injures qui ne sont connues qu’aux Halles » [238] .
Pendant que cette scène avait lieu, le cardinal, de plus en plus angoissé, entrait au Luxembourg. Il ne voulait pas rester plus longtemps loin du lieu où se jouait son destin.
Au premier étage, il vit que l’appartement de la reine mère était verrouillé. Il secoua les huis, rôda dans les couloirs et finit par se glisser dans l’oratoire qui communiquait avec la chambre de la Florentine. Là, une porte secrète était entrouverte. Il la poussa…
Marie de Médicis, qui tapait du pied en vociférant, le vit entrer avec stupeur.
— Vous parliez de moi, je présume, dit-il. Me voici, de quoi m’accusez-vous ?
La Florentine perdit alors le contrôle d’elle-même et se mit à insulter grossièrement le cardinal.
Il était venu pour discuter ; ce vocabulaire de poissarde auquel il n’était pas habitué le décontenança tant qu’il ne put prononcer un mot.
— Jé vous chasse ! criait la reine mère. Vous n’êtes qu’oun valet ingrat !
Voyant que le roi le laissait insulter sans broncher, Richelieu comprit qu’il était perdu. Il tomba à genoux et, comme il était très émotif, il pleura.
— Pardon, bredouilla-t-il.
Marie de Médicis marchait de long en large à travers la chambre, en hurlant. Le cardinal, toujours sur les rotules, eut alors l’idée singulière de la suivre dans tous ses déplacements :
— Grâce ! Grâce ! criait-il.
Le spectacle était si grotesque que Louis XIII en fut gêné.
— Relevez-vous, monsieur de Richelieu, et sortez, dit-il sèchement.
Le cardinal se retira, secoué par de gros sanglots qui résonnèrent longtemps dans les couloirs.
Lorsqu’il eut disparu, Marie de Médicis se tourna vers son fils, l’œil pétillant.
— Qu’est-cé qué vous vous en pensez ?
— Tout cela est bien fatigant, se contenta de dire le roi.
Après quoi il sortit, monta dans un carrosse et se fit conduire à Versailles dont il aimait le bon air.
Aussitôt, les suivantes de Marie de Médicis, qui avaient tout entendu, se précipitèrent hors du Luxembourg pour aller apprendre à la cour que le cardinal était abandonné par le roi et que sa disgrâce était imminente.
Deux heures plus tard, tous les ennemis du premier ministre étaient chez la reine et entouraient M. de Marcillac
Weitere Kostenlose Bücher