Dans l'intimité des reines et des favorites
femme et sur celle d’Anne d’Autriche qui allait être ravie de revoir son amie.
M me de Chevreuse, dès son arrivée à Paris, alla remercier Richelieu et lui adressa mille protestations d’amitié.
— Je n’oublierai jamais que vous m’avez tirée de l’exil, dit-elle, et je vous aiderai toujours autant que je le pourrai.
Elle tint parole. À quelque temps de là, elle parvint à détacher de la Maison d’Autriche l’un de ses amants, le duc de Lorraine, et à lui faire signer un traité d’alliance avec la France.
Richelieu, à son tour, alla la remercier. Elle le reçut avec tant de grâces, déploya tant de charme, qu’il pensa naïvement qu’elle devait être amoureuse de lui et en fut troublé.
M me de Chevreuse, je l’ai dit, était une ravissante blonde aux yeux verts et aux mœurs dissolues qui passait le plus clair de son temps « à faire le cricon criquette » avec tous les hommes qui lui plaisaient.
De savoureuses anecdotes couraient sur elle. « J’ai ouï conter, dit Tallemant des Réaux, que, par gaillardise, elle se déguisa, un jour de fête, en paysanne, et s’alla promener toute seule dans les prairies. Je ne sais quel ouvrier en soie la rencontra. Pour rire, elle s’arrêta à lui parler, faisant semblant de le trouver à son goût. Mais ce rustre, qui n’y entendait point de finesse, la culbuta fort bien, et on dit qu’elle passa le pas sans qu’il en soit arrivé jamais autre chose. »
Cette scène agreste s’était déroulée devant quelques témoins, et l’auteur des Historiettes ajoute que, « quelqu’un s’étant écrié : « Ah ! la belle femme, je voudrais bien l’avoir b… », elle se mit à rire et dit : « Voilà de ces gens qui aiment la besogne faite… »
Au lit, sa technique témoignait, disait-on, d’un tempérament si généreux et d’une imagination si fertile que Richelieu résolut de vérifier par lui-même le bien-fondé de cette flatteuse réputation.
En désirant devenir l’amant de la jeune femme, le cardinal ne pensait pas seulement prendre un savoureux plaisir ; il espérait avoir le moyen de nuire efficacement à la reine. M me de Chevreuse et Anne d’Autriche avaient, en effet, repris leurs jeux d’autrefois en compagnie de jeunes débauchés, au point que Gaston d’Orléans prétendait malicieusement qu’on avait rappelé l’exilée « pour donner plus de moyens à la reine de faire un enfant »… Elles passaient leur temps à rire, à danser, à organiser des fêtes, et s’adoraient…
Seul un homme capable d’apporter de grandes satisfactions à M me de Chevreuse pouvait avoir assez d’autorité pour séparer les deux amies. Le cardinal eut la candide prétention de croire qu’il était cet homme-là, et fit à la belle une cour assidue. Il s’abusait. Malgré tout son talent d’homme d’État, le premier ministre n’était pas de force devant une telle femme. Celle-ci devina ses desseins et, d’accord avec la reine, mit sur pied un ingénieux complot destiné à le renverser.
Sachant que Châteauneuf, le garde des Sceaux, était amoureux d’elle, la jolie rouée excita sa jalousie en lui apprenant que Richelieu la poursuivait de ses avances. Le brave homme n’opposa aucune résistance, mais conçut immédiatement une haine très pure pour le cardinal auquel, pourtant, il devait tout.
— Tant qu’il sera premier ministre, lui susurra alors M me de Chevreuse, j’aurai tout à craindre de lui.
Châteauneuf comprit et jura qu’il était prêt à soulever le peuple et à faire fuir définitivement Richelieu. Il ne fallait qu’un encouragement à un tel élan : la petite duchesse prit sa plume et lui écrivit cette lettre pleine de promesse :
Mon Ami,
Je crois que vous êtes absolument à moi. Je vous promets qu’éternellement je vous traiterai comme mien ; quand toute la terre vous négligerait, je saurai toute ma vie si dignement vous estimer que, si vous m’aimez véritablement, comme vous le dites, vous aurez sujet d’être content de votre fortune, car toutes les puissances de la terre ne sauraient me faire changer de résolution.
C’était plus qu’il n’en fallait pour galvaniser le pauvre garde des Sceaux qui se mit, dès lors, à passer ses nuits en conciliabules secrets avec des amis de Gaston d’Orléans.
Pendant ce temps, Richelieu devenait de plus en plus amoureux de M me de Chevreuse. « Il lui témoignait, nous dit Louis
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