Dans l'intimité des reines et des favorites
n’agirait qu’après la signature de la paix avec l’Espagne.
Les deux femmes, qu’une même haine pour le cardinal unissait étroitement, regagnèrent leurs appartements en se félicitant de leur victoire.
Louis XIII , lui, était un peu vexé de s’être aussi facilement laissé prendre. « Pendant quelques heures, nous dit-on, il gratta ses draps avec irritation. » Puis il pensa qu’il aurait toujours la possibilité de se parjurer sous le prétexte qu’on lui avait extirpé une promesse alors qu’il était malade, et cela le réconforta. Il en conçut même une espèce de jubilation malsaine qui l’aida à entrer en convalescence…
C’est alors qu’il remarqua une délicieuse adolescente de quinze ans qui « lui donna dans la vue », selon l’expression amusante de M me de Motteville. Elle s’appelait Marie de Hautefort et suivait la reine mère en qualité de fille d’honneur. Ses boucles blondes et ses yeux bleus enchantèrent le roi qui, pour la première fois de sa vie, tomba amoureux.
Anne d’Autriche s’en aperçut immédiatement mais, connaissant le tempérament froid et la pudeur extrême de son mari, elle n’en conçut aucune jalousie. Au contraire, M me de Motteville nous dit en effet : « La reine, voyant naître cette inclination dans l’âme de ce prince farouche pour les dames, tâcha de l’allumer plutôt que de l’éteindre, pour gagner ses bonnes grâces et ses complaisances. »
Peut-être avait-elle aussi le secret espoir que le roi se dégèlerait enfin et qu’elle en profiterait…
Chaque jour apportait un changement nouveau dans le comportement de Louis XIII . Un matin, il réclama une guitare, instrument dont il savait un peu jouer, et demanda qu’on le laissât seul. Intriguée, Anne d’Autriche demeura derrière la porte et écouta. Pendant quelques minutes, le roi gratta les cordes, puis un air gracieux naquit sous ses doigts, qu’il accompagna bientôt de paroles murmurées. Elle comprit alors qu’il composait une chanson tendre sur la beauté de M lle de Hautefort…
L’amour du roi n’allait pas tarder à être connu de toute la cour. Le dimanche suivant, faisant ses premiers pas, Louis XIII se rendit à la messe, soutenu par la reine. On l’installa dans un confortable fauteuil, et il suivit l’office avec sa dévotion habituelle.
Au sermon, il tourna la tête vers les filles d’honneur qui, selon l’usage du temps, étaient assises à même le sol, et vit que M lle de Hautefort écoutait le prêtre dans cette position incommode. Ému, il lui fit porter le coussin qui était sur son prie-Dieu. La cour fut stupéfaite. Jamais un roi n’avait fait preuve d’une telle galanterie dans une église. La jeune fille rougissante consulta du regard la reine, qui l’invita, par signes, à s’asseoir sur le coussin.
M lle de Hautefort agit alors avec un tact et une délicatesse qui bouleversèrent le souverain : prenant respectueusement le présent royal, elle le posa à côté d’elle et se garda d’y toucher.
De tels actes étaient bien faits pour accroître la passion du roi. Mais, si Louis XIII était chaque jour un peu plus amoureux de Marie, il n’en demeurait pas moins à son égard d’une impressionnante réserve. Je n’en veux pour preuve que cette anecdote qui nous est rapportée par de nombreux contemporains : un jour, le roi entra dans la chambre de la favorite. Voyant qu’elle lisait une lettre, il fronça le sourcil :
— Qui donc vous a écrit ?
Pour le taquiner, la belle, d’un geste rapide, glissa le billet entre ses seins.
— Si vous le voulez, dit-elle en riant, vous le prendrez là.
Louis XIII pâlit, considéra un instant « cette gorge parfaite qui étoit une des beautés qu’on admiroit » et finalement recula.
Sa pudibonderie lui fit alors commettre un acte inouï. Il prit les pincettes de la cheminée et s’en servit pour tirer le billet sans avoir à toucher aux seins de Marie…
Henri IV dut se retourner plusieurs fois dans sa tombe.
Lorsque, le 19 octobre, le roi, complètement guéri, quitta Lyon en litière, tout le monde remarqua son air enjoué. Au moment où la reine monta dans son carrosse, il fit même un mot drôle, ce qui ne lui était jamais arrivé, et ses familiers en conclurent que M lle de Hautefort excitait du moins son esprit…
Aux étapes, il allait la retrouver, la regardait en rougissant et l’entretenait longuement de ses
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