Dans l'intimité des reines et des favorites
Batifol, autant de passion qu’elle en avait lu autrefois dans le cœur de Holland. » Un matin, il vint lui rendre visite si tôt qu’il la trouva au lit. Perdant un peu de sa dignité habituelle, il se précipita sur elle et tenta de se glisser sous les draps. Elle dut le menacer d’un scandale pour s’en débarrasser [240] .
Le soir, la chose ayant été colportée par des domestiques, on ne parla, à l’hôtel de Rambouillet, que de l’inconduite du cardinal. Le salon des précieuses était, en effet, le carrefour de tous les ragots de la capitale, et les informations un peu scabreuses y remportaient toujours un grand succès. On en profita pour rappeler toutes les tares de la famille de Richelieu et l’on s’amusa à raconter que son frère, cardinal de Lyon, avait dû, au cours d’une crise de folie, être enfermé dans sa cellule par les Chartreux de Grenoble, et que sa sœur, marquise de Brézé, « croyait avoir le cul en verre et ne bougeait du lit de crainte de se le casser… [241] ».
Deux jours plus tard, les futures amies de M lle de Scudéry se réjouirent de nouveau en apprenant que Richelieu, à la demande de M me de Chevreuse, s’était déguisé en cavalier, avec des plumes rouges à son chapeau, et que la reine, cachée derrière une tapisserie, l’avait vu passer dans cet extravagant costume [242] .
Le cardinal sut-il que sa chère duchesse s’était moquée de lui en compagnie de la reine ? C’est possible, car il tomba subitement malade et dut s’aliter.
En apprenant cette nouvelle, Châteauneuf, qui conspirait toujours avec acharnement, conçut le fol espoir d’être soutenu par le Ciel et pensa que son ennemi allait mourir. Il écrivit à M me de Chevreuse pour se réjouir « d’être enfin délivré de ce c… pourri ». La police du cardinal était aux aguets ; elle intercepta cette charmante lettre qui fut portée à Richelieu. Le lendemain, le garde des Sceaux était arrêté et M me de Chevreuse obligée de reprendre le chemin de l’exil.
Elle se réfugia à Tours où, pour passer le temps, elle devint la maîtresse de l’archevêque…
24
Louis XIV fut-il conçu grâce à M lle de La Fayette ?
Il y a beaucoup d’ombre autour
de la naissance du Roi-Soleil…
Charles Nisard
Au milieu de toutes ces intrigues, le roi demeurait fidèlement épris de M lle de Hautefort. Quand il ne se promenait pas avec elle dans le parc de son petit château campagnard de Versailles, il s’enfermait dans un cabinet pour y composer des chansons pleines d’amour [243] . L’une d’elles est parvenue jusqu’à nous. Marie s’y trouve désignée pudiquement sous le nom d’Amaryllis :
Tu crois, ô beau soleil,
Qu’à ton éclat rien n’est pareil,
En cet aimable temps
Que tu fais le printemps,
Mais quoi ! tu pâlis
Auprès d’Amaryllis.
Or que le ciel est gai
Durant ce gentil mois de mai.
Les roses vont fleurir
Les lys s’épanouir.
Mais que sont les lys,
Auprès d’Amaryllis ?
De ses nouvelles pleurs
L’aube va ranimer les fleurs ;
Mais que fait leur beauté à mon cœur attristé,
Quand des pleurs je lis
Aux yeux d’Amaryllis.
Lorsque Louis XIII lui chantait ces couplets un peu fades, M lle de Hautefort était profondément désolée. « Jamais, se disait-elle, il n’osera me manquer de respect. »
Elle finit par prendre une initiative hardie : un soir que son désir était trop fort, elle sauta sur le roi et tenta de l’entraîner vers un lit.
Louis XIII se débattit, parvint à se dégager et fut peiné. Il ne croyait pas qu’une jeune fille pût être attirée par des plaisirs aussi peu intellectuels, et le dit à son amie. Cela n’empêcha pas M lle de Hautefort, travaillée en profondeur par le printemps, de revenir à la charge les jours suivants et de le « martyriser », au dire de M me de Motteville.
Ces attaques étaient vaines d’ailleurs, car le roi défendait bien sa vertu.
C’est à cette époque qu’il dit un jour à des amis :
— Les femmes ne m’intéressent que de la tête à la ceinture !
— Dans ce cas, lui répondit quelqu’un, il faut la leur faire porter aux genoux !
Cette plaisanterie était un peu leste. Elle déplut à Louis XIII qui fit grise mine au gentilhomme pendant un mois.
Bientôt les assauts de la favorite furent si violents que le roi finit par se lasser. Il n’aimait pas être obligé de se défendre contre les
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