Dans l'intimité des reines et des favorites
entreprises d’une femme et demanda à Marie d’être plus réservée à son égard.
Le cardinal fut rapidement informé de cette mésentente et, comme il haïssait M lle de Hautefort depuis qu’elle avait refusé de le servir contre la reine, il pensa que le moment était venu de se venger : il présenta au roi une jeune fille brune et fort maigre, qui s’appelait Louise de La Fayette.
Cette demoiselle avait une qualité qui séduisit tout de suite Louis XIII : elle chantait.
Dès le lendemain, il l’attira dans son cabinet et lui demanda d’interpréter quelques vieilles chansons. Elle obéit en rougissant et, pendant deux heures, le tint sous le charme. Pourtant il ne dit pas un mot aimable car il se méfiait, trouvant Louise trop élégante. La jeune fille, en effet, s’habillait avec recherche et suivait les excentricités de la mode. Or Dieu sait si la mode était extravagante en ce printemps 1635 ! Les femmes ne portaient que des couleurs tendres et si extraordinaires que les couturières étaient obligées d’inventer des noms pour les désigner. Il y avait les robes feuille-morte, ventre de biche, ventre de nonnain, couleur du roi, mimine, triste-amie, gris d’été, céladon, astrée, face grattée, couleur de rat, fleur mourante, vert naissant, vert brun, vert gai, vert de mer, vert de pré, merde d’oie, aurore, singe mourant, couleur de sel à dos, de veuve réjouie, de temps perdu, flammette de soufre, de constipé, singe envenimé, ris de guenon, trépassé revenu, espagnol malade, espagnol mourant, couleur de baise-moi-ma-mignonne, couleur de péché mortel, de cristallin, de bœuf enfumé, de jambon commun, de désirs amoureux, de racleur de cheminée, etc.
En voyant M lle de La Fayette vêtue d’une élégante toilette ris de guenon ou face grattée, le roi s’inquiétait, car la coquetterie lui semblait une invitation à la débauche.
Mais il fut bien vite rassuré ; cette jeune fille, malgré son amour pour les belles parures, était aussi pure que lui. Le péché lui faisait horreur et son cœur se glaçait à la pensée des assemblages auxquels se plaisent généralement les amoureux.
Auprès d’elle, Louis XIII retrouva sa belle humeur et vécut sans crainte. Il l’emmenait parfois se promener dans les bois – même très éloignés – sachant bien qu’elle ne tenterait pas de le violer. Finalement, il tomba amoureux de cette femme si bien faite pour le comprendre et ne parla plus à M lle de Hautefort. Alors la pauvre, qui se trouvait toujours aussi agacée par les effets du printemps, quitta la cour et emporta sa chaleur intime en province.
Richelieu, une fois de plus, se frotta les mains. Protecteur de M lle de La Fayette, il pensait pouvoir utiliser ses bons offices pour connaître les secrets agissements de la reine. Ayant convoqué la jeune fille, il lui tint le même discours qu’à M lle de Hautefort, mais n’eut pas plus de succès qu’avec celle-ci. Dès les premiers mots, en effet, la nouvelle favorite se cabra :
— Vous ne saurez jamais rien de moi, dit-elle sèchement.
Puis elle partit, laissant le cardinal déçu et riche d’une haine toute neuve.
Immédiatement, il chercha à se venger et utilisa un moyen peu digne de son grand génie : au cours d’un bal donné à Saint-Germain, il demanda à quelques jeunes filles de ses amies de presser des citrons à l’endroit où Louise avait dansé. Tout le monde crut qu’elle avait fait pipi sur le parquet et le scandale fut énorme.
La reine appela La Porte, son valet de chambre, et lui demanda de sentir les gouttes.
La Porte obéit, se mit à quatre pattes, flaira consciencieusement et déclara que ce n’était pas du citron…
Peut-être avait-il le nez bouché.
Quoi qu’il en soit, M lle de La Fayette n’osa pas discuter avec Anne d’Autriche et rentra fort confuse dans sa chambre. Le lendemain, la cour chanta :
Petite La Fayette,
Votre cas n’est pas net :
Vous avez fait pissette
Dedans le cabinet.
À la barbe royale,
Et là, aux yeux de tous,
Vous avez fait la sale,
Ayant pissé sous vous.
Le roi n’attacha aucune importance à cet incident ; mais Louise, très mortifiée, en voulut férocement au cardinal qu’elle soupçonnait d’être l’auteur de cette mauvaise plaisanterie.
Sur ces entrefaites le Père Joseph, confident et conseiller de Richelieu, vint la trouver.
« Ce moine, nous dit Dreux du Radier, était
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