Dans l'intimité des reines et des favorites
qu’elle est appelée par Dieu et qu’elle doit fuir les plaisirs du siècle.
Le succès fut prodigieux : deux mois plus tard, la favorite annonçait au roi qu’elle avait l’intention d’entrer au couvent.
Louis XIII fut très abattu : il alla se coucher et pleura toute la nuit [248] . Trop pieux pour lutter contre la vocation de sa favorite, il se contenta de souffrir.
Le 23 mai 1637, La Gazette de France , fondée six ans auparavant par Renaudot, publia cet entrefilet :
De Paris, le 19, le roi partit de Saint-Germain et fut coucher à Versailles. Le même jour, la demoiselle de La Fayette, l’une des filles d’honneur de la reine, s’est rendue religieuse dans le monastère des Filles de la Visitation et a été grandement regrettée du roi, de la reine et de toute la cour.
La séparation avait été pathétique. Le roi était venu dire adieu à Louise dans la chambre de la reine, et là, devant Anne d’Autriche très émue, il n’avait pu retenir ses larmes.
Après quelques paroles, plus « bégayées que prononcées », il était parti et la favorite avait couru à la fenêtre pour le voir monter en carrosse. Oubliant alors l’étiquette qui interdisait de désigner Sa Majesté par un pronom, elle s’était écriée, dans un sanglot :
— Hélas, je ne le verrai donc plus…
Au mois de juin, elle prit le voile et devint l’humble Sœur Angélique.
Dès que M lle de La Fayette fut sortie du siècle, Richelieu poussa un gros soupir et procéda à quelques petits règlements de comptes : le Père Joseph tomba malade et mourut subitement, le Père Caussin fut expédié à Rennes, M me de Senecey dut quitter la cour et se retirer dans son château de Randan, et l’évêque de Limoges fut obligé de regagner son diocèse…
Louis XIII ne pouvait se consoler du départ de Louise. De temps en temps, il allait, en se cachant du cardinal, jusqu’au couvent de la rue Saint-Antoine et faisait une visite à la petite religieuse. Naturellement, Richelieu l’apprit. Pensant qu’une femme pouvait, seule, faire oublier son chagrin au roi, il fit revenir au Louvre M lle de Hautefort. Mais la gracieuse Marie n’avait plus aucun pouvoir sur le cœur de Louis XIII . Elle s’en aperçut vite. La regardant sans la voir, demeurant muet en sa présence, le souverain semblait dans l’attente continuelle du moment où il pourrait courir rue Saint-Antoine. Deux fois par semaine, en effet, sous couleur d’aller chasser à Vincennes, il continuait de fréquenter la Visitation. À chaque visite, la petite Sœur Angélique, qui se croyait une grande pécheresse, lui faisait la morale [249] et le suppliait de se rapprocher d’Anne d’Autriche.
— Il y a vingt-deux ans que vous êtes marié, Sire, et vous n’avez pas encore donné de dauphin à la France.
Louis baissait la tête et parlait d’autre chose. Pour avoir un enfant il fallait se livrer à des actes qui lui répugnaient vraiment trop…
Un jour d’août, il arriva à la Visitation plus blême et plus triste que d’habitude.
— La reine correspond secrètement avec sa famille, dit-il à Louise, M. de Richelieu vient d’intercepter une lettre chiffrée qu’elle envoyait à Mirabel, ambassadeur d’Espagne…
— Le roi d’Espagne est son frère, dit doucement Louise.
— C’est notre ennemi, coupa le roi. La France est en guerre contre lui.
Une extraordinaire affaire commençait pour la plus grande joie de Richelieu qui espérait bien, cette fois, faire jeter la reine dans un cachot sous l’inculpation de haute trahison. La Porte, valet de chambre d’Anne d’Autriche, fut conduit à la Bastille. On saisit sur lui une lettre destinée à M me de Chevreuse, qui, naturellement, était mêlée au nouveau complot [250] . Une perquisition eut lieu au couvent du Val-de-Grâce, où la reine avait un appartement. On ne trouva rien, car les religieuses avaient eu la finesse de cacher tous les papiers compromettants.
Richelieu se rendit alors à Saint-Germain pour interroger Anne d’Autriche qui, malade de peur, se voyait déjà arrêtée, répudiée et renvoyée en Espagne.
Le cardinal lui montra la lettre adressée à Mirabel.
— Puis-je me permettre, Majesté, de vous demander des explications au sujet de cette lettre ?
Après tant de manœuvres sournoises, les deux ennemis se trouvaient enfin face à face. Comme leurs regards durent se croiser avec violence lorsque la reine
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