Dans l'intimité des reines et des favorites
d’un génie presque égal à celui du cardinal. Fatigué d’une subordination trop marquée pour sa vanité, il avoit conçu le projet de détruire son bienfaiteur et de prendre sa place. »
Son premier objectif était d’obtenir le cardinalat qui l’eût mis sur un pied d’égalité avec Richelieu.
Connaissant les sentiments de la nouvelle favorite à l’égard du premier ministre, il lui demanda son aide.
— Je ferai tout pour débarrasser le royaume de cet homme malfaisant qui vient encore de déclarer une guerre, dit-elle.
Alors le capucin lui expliqua qu’il avait offert au pape Urbain VIII de faire conclure la paix avec la Maison d’Autriche et d’établir un traité avec les protestants.
— Si je réussis, ajouta-t-il, le Saint-Père, qui déplore tous ces conflits, me donnera le chapeau de cardinal. Il faut donc que vous m’aidiez.
M lle de La Fayette ignorait tout de la politique. Elle fut un peu effrayée en pensant au rôle qu’on voulait lui faire jouer, et demanda à réfléchir. La voyant perplexe, le Père Joseph « lui fit alors envisager habilement les choses du côté de la religion et de la piété » :
— « Si vous parvenez à convaincre le roi, dit-il, vous serez l’auteur du bien de toute l’Europe en donnant une paix nécessaire à la France, et en retirant un gros poids de la conscience de Sa Majesté [244] …
M lle de La Fayette fut ébranlée par ce discours. La grandeur de sa mission l’exalta, et elle promit de parler à Louis XIII .
Le soir même, dans la chambre du roi, elle répéta fidèlement tout ce que le capucin lui avait dit :
— Il faut arrêter la guerre contre l’Autriche, le peuple est écrasé d’impôts, les paysans se soulèvent : le cardinal doit partir…
Louis XIII écouta Louise sans l’interrompre ; mais quand elle eut fini son discours il lui demanda de bien vouloir goûter les confitures qu’il venait de faire…
Les choses s’engageaient mal.
Très ennuyée, M lle de La Fayette quitta le roi et alla prendre conseil d’une de ses amies, M me de Senecey, femme droite et honnête qui détestait le cardinal et étonnait la cour par sa chasteté. Elle n’avait, en effet, qu’un amant.
… Encore était-ce l’évêque de Limoges [245] !
Or précisément, ce galant prélat était l’oncle de la favorite. Aussi M lle de La Fayette considérait-elle M me de Senecey comme une tante à la mode du Limousin.
Elle lui fit part des intentions du Père Joseph et lui demanda son appui. L’évêque était là :
— Pour réussir, dit-il, il faut utiliser la personne qui a le plus d’influence sur le roi, c’est-à-dire le Père Caussin, son confesseur. Je m’en charge.
Quelques jours après, le Père Caussin, gagné à la cause des conjurés (auxquels s’était jointe naturellement Anne d’Autriche), répétait à Louis XIII une leçon que Louise lui avait apprise. Cette fois, le souverain fut ébranlé. Il commença par considérer Richelieu d’un œil froid et méchant, puis il ne lui fit plus goûter ses confitures. Le cardinal s’alarma. Soupçonnant M lle de La Fayette d’organiser un nouveau complot contre lui, il « acheta » le principal valet de chambre de roi, un nommé Boizenval, et le chargea de surveiller les agissements de la favorite. « Celui-ci, nous dit Dreux du Radier, promit non seulement de lui rapporter fidèlement tout ce qu’il saurait des paroles et des actes du roi et de M lle de La Fayette, mais encore de lui remettre tous les billets qu’ils s’enverraient et dont il serait chargé. »
Il tint parole, et le cardinal put suivre au jour le jour la marche du complot destiné à le renverser. Lorsqu’il connut le nom de tous les complices du Père Joseph, Richelieu décida de rompre la liaison du roi et de M lle de La Fayette. « Aussi occupé à cette intrigue que du gouvernement de l’État entier, nous dit Vittorio Siri [246] , il passa des nuits à falsifier les lettres que s’envoyaient les deux amoureux [247] .
Constatant qu’il n’obtenait aucun résultat, il eut alors une idée qui témoigne de son génie politique et force l’admiration : pour se débarrasser de M lle de La Fayette, il imagina de lui inspirer une vocation religieuse.
Il convoqua le Père Carré, confesseur de la jeune fille, et lui demanda de jeter le bon ferment dans cette âme pieuse.
— Vous devez faire comprendre à M lle de La Fayette
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