Dans l'intimité des reines et des favorites
III . Ils autorisèrent Marguerite à partir pour Spa… Aussitôt, elle s’activa sur ses malles, prépara ses robes, ses bijoux, ses fards, heureuse de quitter la cour, heureuse de servir son frère bien-aimé ; et, disons-le, heureuse aussi de rencontrer là-bas le beau don Juan d’Autriche qui avait depuis longtemps, elle le savait, une forte envie de la trousser…
Toutefois Marguerite ne voulut pas partir avant le 15 mai, sachant qu’à cette date Catherine de Médicis devait donner dans les jardins du château de Chenonceaux un banquet où toutes les licences seraient admises. Elle ne fut pas déçue, car on s’y tint très mal. « En ce beau banquet, nous dit Pierre de l’Estoile, les dames les plus honnêtes et les plus belles de la cour, étant à moitié nues et ayant leurs cheveux épars comme épousées, furent employées à faire le service. »
M me de Sauve était, paraît-il, décolletée jusqu’à la ceinture. Elle ne devait pas être la seule à exposer aussi généreusement ses appas, car l’Estoile nous dit qu’en ce printemps de 1577 « les dames et les demoiselles semblaient avoir appris la manière des soldats de ce temps, qui font parade de montrer leurs poitrinals dorés et reluisants quand ils vont faire leur montre, car tout de même elles faisaient montre de leurs seins et poitrines ouvertes et autres parties pectorales, qui ont un perpétuel mouvement, que ces bonnes dames faisaient aller par compas ou mesure comme une horloge, ou, pour mieux dire, comme les soufflets des maréchaux, lesquels allument le feu pour servir à leur forge ».
Ce qui devait constituer un spectacle assez plaisant.
Le départ pour les Flandres eut lieu le 28 mai 1577. Marguerite, qui était accompagnée d’une suite nombreuse, quitta Paris par la porte Saint-Denis, dans une litière « faite à piliers, doublée de velours incarnadin d’Espagne, en broderie d’or et de soie, ayant aux vitres quarante devises toutes différentes, avec les mots en espagnol ou en italien sur le soleil et ses effets ».
Derrière, venaient dix ravissantes jeunes filles à cheval et huit carrosses occupés par les suivantes de la reine. Dans les rues que devait suivre le cortège s’étaient massés de braves gens qui se mirent à pousser de grandes acclamations en voyant Marguerite dont ils connaissaient le tempérament ardent.
— C’est la plus grande putain du royaume, se disaient-ils de l’un à l’autre.
Et ils riaient.
La reine Margot avait une certaine candeur. Cette allégresse qu’elle voyait dans les yeux la réjouit, et elle quitta la capitale en pensant avec émotion que les Parisiens l’aimaient bien…
Au début du voyage, Marguerite fut ravie d’adresser des petits saluts aux paysans et aux bourgeois qui s’inclinaient sur son passage ; puis ce jeu la fatigua et elle fut reprise par les tourments du printemps.
Dès le lendemain, son regard s’attarda sur les officiers et les cavaliers qui protégeaient le convoi. Comme ils étaient tentants ! Elle en rêva voluptueusement, mais, pour la première fois de sa vie, sut être sage. Craignit-elle un scandale au moment où elle allait accomplir une mission politique ? C’est possible, car elle fit venir un homme tout spécialement de Paris pour avoir ce qu’elle désirait.
Cet homme empressé et serviable était le duc de Guise. Il la rejoignit au Catelet, dans le Cambrésis, la retrouva dans sa chambre et la quitta discrètement au petit matin, sa tâche terminée…
Ainsi, au moment où elle allait dans les Flandres pour servir les intérêts de son frère et, par là même, aider les protestants, elle dérangeait le chef de la Ligue pour passer une nuit d’amour avec lui.
À Cambrai, Marguerite n’eut pas besoin de faire venir un extra de Paris : elle trouva sur place ce qu’il lui fallait en la personne de M. d’Inchy, le gouverneur, dont elle fit la connaissance au cours d’un bal organisé par l’évêque. Ce saint homme, je m’empresse de le dire, n’assista pas à la fête galante qui suivit la sauterie. Il se retira après le souper, effrayé sans doute par la tournure que semblaient vouloir prendre les choses…
Lorsque l’orgie à laquelle participaient benoîtement toutes les grandes dames de la ville battit son plein, la reine de Navarre s’éclipsa à son tour dans ses appartements avec M. d’Inchy qui se montra si valeureux amant qu’elle lui demanda s’il voulait l’accompagner
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