Dans l'intimité des reines et des favorites
qu’elle vienne ; et c’est urgent, car François dispose d’une armée de six mille Allemands qui vient de ravager la Champagne, et peut demain vous attaquer…
Henri III , épouvanté, accepta cette fois, et Catherine partit avec sa fille retrouver Alençon à Châtenay, près de Sens.
À ce moment, la pauvre Margot était vraiment à deux doigts de sombrer dans la folie : elle mordait ses draps, avait des rêves indécents et prononçait pendant son sommeil des mots fort grivois.
Le voyage lui fut pénible, car il y avait de beaux officiers fort désirables qui escortaient le carrosse royal, et qui lui eussent volontiers calmé les nerfs. Elle eut la force de ne point les attirer dans sa litière, sachant que son supplice allait prendre fin.
En effet, le lendemain soir, après les premiers pourparlers, lorsque tout le monde fut couché, elle sortit de sa chambre sans bruit et alla rejoindre le duc qui lui montra, avec une ardeur qu’il est permis de trouver déplacée, des sentiments plus que fraternels…
Après cette nuit, qui apporta un grand soulagement à Marguerite, les négociations reprirent et Alençon, sûr de sa force, posa ses conditions : il voulait, d’accord avec Navarre, livrer nos places de Lorraine aux Allemands, réhabiliter la mémoire de Coligny, de La Mole et de Coconas, et accorder la liberté du culte aux protestants.
Catherine, effrayée par les troupes qui entouraient son fils, accepta tout, sauf la remise des places à l’Allemagne.
— Je ne donnerai rien aux Allemands, dit-elle. Mais ce que je peux faire, c’est vous donner, à vous, l’Anjou, le Berry, la Touraine avec d’énormes revenus, si vous cessez de lutter contre le roi.
Le duc d’Alençon (qui devint dès lors duc d’Anjou, nom sous lequel je le désignerai désormais) accepta et un arrangement, très onéreux pour la couronne, fut signé.
Quelques jours plus tard, Henri III , dont l’hypocrisie était à la mesure de ses vices, recevait son frère avec honneur et se réconciliait publiquement avec lui.
Marguerite était revenue à Paris avec François. Elle se réinstalla au Louvre où, si l’on continua de lui interdire tout voyage à Nérac, on ne la considéra plus comme une prisonnière. Elle en profita pour avoir, avec quelques beaux messieurs, des aventures rapides et sans lendemain qui lui permirent de se bien porter.
Au Louvre, Marguerite espionnait pour le compte de son frère François, envers qui elle avait contracté une grosse dette de reconnaissance.
Elle allait bientôt l’aider de façon plus active encore.
Au printemps de 1577, Mondoucet, agent du roi en Flandre, se mit au service du duc d’Anjou qui, malgré la paix de Sens, n’avait pas renoncé à ses ambitions, et lui apprit que les Flamands souffraient de la domination espagnole.
— Il serait facile de conquérir la Flandre, dit-il. Il suffirait d’envoyer là-bas quelqu’un d’habile pour préparer les esprits en votre faveur.
Quelqu’un d’habile ? Le duc d’Anjou pensa tout de suite à Marguerite. Mais sous quel prétexte l’envoyer en Flandre ? Ce fut Mondoucet qui trouva :
— Monsieur, si la reine de Navarre pouvait feindre d’avoir quelque mal, à quoi les eaux de Spa, où va M me la princesse de La Roche-sur-Yon, pussent servir, cela viendrait bien à propos pour votre entreprise de Flandre, où elle pourrait frapper un grand coup.
Monsieur trouva l’idée excellente et se tourna vers Marguerite :
— Ô reine, ne cherchez plus, il faut que vous alliez aux eaux de Spa, où va M me de La Roche-sur-Yon. Je vous ai vu autrefois un érysipèle au bras ; il faut que vous disiez que lors les médecins vous l’avaient ordonné, mais que la saison n’y était pas si propice ; qu’à cette heure c’est leur saison, que vous suppliiez le roi de vous permettre d’y aller [34] .
Le lendemain, Marguerite alla trouver sa mère et lui dit qu’elle était bien malheureuse de demeurer à la cour tandis que le roi faisait la guerre à son mari, car tous deux pouvaient la soupçonner de les trahir, et qu’en conséquence elle désirait s’éloigner de Paris. Elle parla de son érysipèle, des médecins, de Spa et de la saison propice…
— Demandez au roi de me laisser partir, Madame. Ainsi, je ferai connaître à mon mari que, ne pouvant être avec lui, du moins je ne veux point être au lieu où on lui fait la guerre.
Ces raisons semblèrent plausibles à Catherine et à Henri
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