Dans l'intimité des reines et des favorites
couchée. À son chevet, se trouvait le fils de l’apothicaire. Sans prononcer un mot, Lignerac poignarda le jeune homme dont le sang inonda le lit [67] …
Ce manque d’usage déplut à Marguerite. Elle se débarrassa bientôt de Lignerac et chercha un autre amant de cœur. Elle choisit son écuyer, le noble et charmant Aubiac, qui s’était écrié en la voyant pour la première fois à Agen : « Oh ! l’admirable créature ! Je voudrais avoir couché avec elle, à peine d’être pendu quelque temps après. »
(C’était d’ailleurs parce qu’on lui avait rapporté ces paroles que la reine de Navarre avait engagé le jeune homme sur-le-champ…)
Margot et Aubiac s’entendirent assez bien, si l’on en croit Agrippa d’Aubigné, qui nous dit en une longue phrase : « Elle l’éleva de l’écurie à la chambre, et s’en fit tellement piquer que son ventre, heureux en telle rencontre, en devint rond et enflé comme un ballon, vomissant en son terme un petit garçon, avec le secours d’une sage-femme que la mère de ce piqueur, pour l’amour de son fils, y avait conduite, assistée du médecin du May, lequel, outre sa profession, et de lui panser quelque apostume sur son derrière, lui servit à ce coup de porter ce jeune prince, nouveau Lepandre mal emmailloté, en nourrice au village d’Escouviac, là auprès, si fraîchement né, que néanmoins, pour le froid enduré du long chemin, il en demeura pour toujours privé de l’oïe et de la parole, et pour ces imperfections abandonné de l’amour et du soin de sa propre mère qui, ayant oublié les plaisirs de la conception, a longtemps permis qu’il ait gardé les oisons en Gascogne, où M lle d’Aubiac, son aïeule, l’a, tant qu’elle a vécu, préservé de mourir de faim [68] . »
Dès qu’elle fut relevée de couches, Marguerite partit de Carlat sous la protection d’Aubiac pour se rendre discrètement au château d’Ibois, où le seigneur de Châteauneuf, Amblard d’Escorailles, devait lui donner asile.
Elle allait, dans cette aventure, perdre son bel amant – et la liberté pour dix-neuf ans !…
Quelques jours après son arrivée, une troupe, dirigée par le marquis de Canillac, gouverneur d’Usson, se présenta à la poterne.
— Au nom du roi, je viens chercher la reine de Navarre !
Margot comprit qu’elle avait été trahie et qu’on allait la jeter dans quelque obscure prison. Rapidement, elle fit raser et cacher Aubiac pour le soustraire au châtiment certain. Malheureusement, Canillac, qui avait reçu l’ordre de s’emparer de la dame et de son amant, fouilla tout le château, décrocha les tentures, vida les meubles et finit par trouver le bellâtre, tremblant de peur, « en un coin du manteau de la cheminée ».
Aussitôt, il le confia à une garde spéciale qui le conduisit à Saint-Cirque.
En voyant disparaître son amant, Margot poussa des cris déchirants, se roula par terre et déclara qu’elle allait mourir, car elle aimait cet homme plus que sa vie.
Pour toute réponse, le marquis, qui savait Marguerite un peu excessive dans ses propos, lui ordonna de rester sagement dans sa chambre, jusqu’à nouvel ordre. Puis il envoya M. de Montmorin demander à Henri III ce qu’il devait faire de sa prisonnière.
Le roi venait justement d’apprendre, par l’abbé de Choinin, que Marguerite s’était ralliée à la Ligue. Furieux, il écrivit à Villeroy : Mandez à Canillac qu’il ne bouge que nous n’y ayons pourvu bien et comme il faut. Cependant, écrivez-lui qu’il la mène au château d’Usson. Que, de cette heure, l’on arrête ses terres et ses pensions, tant pour rembourser le marquis que pour sa garde. Quant à ses femmes et hommes, que le marquis les chasse incontinent, et qu’il lui donne quelque honnête demoiselle et femme de chambre, en attendant que la reine, ma bonne mère, lui en ordonne de telles qu’elle avisera, mais que, surtout, il prenne bien garde à elle. Je ne la veux appeler dans les lettres patentes que sœur, et non chère et bien-aimée. La reine ma mère m’enjoint de faire pendre Aubiac, et que ce soit en la présence de cette misérable, en la cour du château d’Usson. Faites que ce soit dextrement fait. Mandez que l’on m’envoie toutes ses bagues, et par un bel inventaire, et qu’on me les apporte au plus tôt [69] .
Dès qu’il eut reçu cette lettre, Canillac poussa Margot dans un carrosse solidement gardé et la fit conduire sous
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