Dans l'intimité des reines et des favorites
d’Abélard.
Bayle
Pendant que la reine Margot révélait au marquis de Canillac d’exténuants plaisirs, Henri de Navarre partageait son temps entre la belle Corisande et la préparation d’une manœuvre destinée à mettre en échec de façon définitive les troupes de la Ligue.
Pour fortifier sa position, le Béarnais n’était pas très regardant sur les moyens à employer : il s’était adressé aux princes d’Allemagne et leur avait demandé tout bonnement de venir envahir la Lorraine, la Champagne et l’Orléanais.
— J’irai vous rejoindre sur les bords de la Loire, leur avait-il dit, et nous vaincrons ensemble l’armée du duc de Guise.
Le fait d’attirer des troupes étrangères sur le sol national constitue toujours une imprudence. Navarre le savait, mais, pour anéantir la Ligue qui refusait de le reconnaître comme héritier présomptif du trône à cause de sa religion, il était prêt à tout, même à faire ravager des provinces entières.
Curieux état d’esprit auquel, pourtant, il est permis de trouver des excuses.
Depuis quelque temps, en effet, les partisans du duc de Guise composaient ou répandaient des pamphlets extrêmement injurieux pour le Béarnais. On l’insultait partout, et jusque dans les églises où les prédicateurs ne pouvaient prononcer un sermon sans le traiter de « fils de putain » ou de « maquereau ». Ce langage, rarement employé dans un saint lieu, amusait fort le menu peuple qui, ne comprenant rien, comme d’habitude, à la situation politique, était heureux du moins de se réjouir en écoutant des grossièretés.
La hargne des Ligueurs se manifestait en toute occasion avec la même verdeur dans le propos. On rapporte qu’un soir, au cours d’une réception chez le cardinal de Pellevé, M. de Sermoise ayant dit que Navarre abjurerait peut-être un jour pour se faire catholique, le prélat l’interrompit avec colère :
— Je ne sais si vous êtes veuf ou marié, s’écria-t-il, mais si vous l’avez été ou si vous l’êtes, et que vous eussiez une femme qui se fût prostituée en plein bordel, la voudriez-vous reprendre quand elle voudrait revenir ? Or l’hérésie, monsieur mon ami, est une putain !
De telles insultes, lorsqu’elles lui étaient rapportées par ses agents de renseignements, ulcéraient Navarre qui se sentait disposé à demander l’aide de tous les ennemis du royaume pour satisfaire sa rancune.
Au mois de septembre 1587, les armées allemandes, en partie financées, d’ailleurs, par la reine Élisabeth d’Angleterre, envahirent la Lorraine. Aussitôt, Navarre, qui venait de remporter quelques succès militaires en Poitou, se prépara à partir à la rencontre de ses alliés.
Henri III , menacé à la fois par les Allemands, la Ligue et les protestants, conçut alors un plan astucieux qui consistait à profiter de la situation pour se débarrasser de tout le monde. Il envoya dans le Sud-Ouest une armée commandée par un de ses mignons, le duc de Joyeuse, avec l’espoir qu’elle battrait le Béarnais, et laissa partir le duc de Guise vers l’Est, certain qu’il serait écrasé par les Allemands.
Malgré les efforts désespérés des princes lorrains pour repousser l’envahisseur, les armées allemandes atteignirent les frontières de France le 17 septembre, et la Champagne fut occupée à son tour. Les alliés de Henri de Navarre pillaient, violaient, incendiaient, et tuaient tous ceux qui voulaient leur résister. Après avoir franchi la Seine et l’Yonne, ils se dirigèrent vers la Loire, pressés d’aller rejoindre par le Berry les armées protestantes cantonnées pour lors en Poitou et en Saintonge.
Voyant le danger et voulant à toute force que la rencontre des armées de la Ligue et des troupes allemandes eût lieu en Gâtinais (c’est-à-dire au nord de la Loire), Henri III fit garder ou détruire tous les ponts jetés sur le fleuve entre Orléans et La Charité.
Pendant ce temps, le duc de Joyeuse descendait à marches forcées vers Poitiers avec huit mille hommes et deux mille chevaux pour livrer bataille au Béarnais et l’empêcher d’aller rejoindre ses alliés. Cette ruée inquiéta Navarre qui se replia précipitamment vers la Guyenne pour y lever de nouvelles troupes.
Joyeuse le suivit et, le 19 octobre au soir, se trouva non loin de la ville de Coutras où l’armée huguenote s’était arrêtée. Navarre, qui cette fois était prêt, décida
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