Dans l'intimité des reines et des favorites
perfections, tant de l’esprit que du corps, qui se trouvent en la personne de notre chère et bien-aimée la dame Gabrielle d’Estrées, nous l’avons depuis quelques années recherchée à cet effet, comme le sujet que nous avons connu le plus digne de notre amitié. Ce que nous avons estimé pouvoir faire avec moins de scrupules et charges de conscience, que nous savons que le mariage qu’elle a contracté avec le sieur de Liancourt était nul et sans avoir jamais eu aucun effet, comme il s’est justifié par la séparation et la nullité dudit mariage qui s’en est depuis ensuivi. Et s’étant ladite dame après nos longues poursuites et ce que nous avons apporté de notre autorité, condescendu à nous obéir et complaire, un fils est né, qui a porté jusqu’à présent le nom de César Monsieur. Ses vertus précoces nous décident, en l’avouant et reconnaissant notre fils naturel, de lui accorder nos lettres de légitimation. »
Le roi dit encore : « J’accorde ces terres à César parce que le défaut de sa progéniture l’excluant de toute prétention à la succession de cette couronne et de ce qui en dépend, mais aussi de celle de notre royaume de Navarre, et de tous nos autres biens et revenus de notre autre patrimoine, il demeurera en très mauvaise condition, s’il n’était par ladite légitimation rendu capable de recevoir tous les dons et bienfaits qui lui seront faits tant par nous que par autres. Pour ces causes, nous le déclarons légitime par les présentes, aux fins qu’il puisse acquérir, tester, recevoir donation et tenir telles charges, dignités, offices, tant de Nous que des rois nos successeurs… »
Le Parlement de Paris enregistra ces lettres sans protester.
La joie de Gabrielle, devenant ainsi favorite officielle, fut immense, on s’en doute. Pourtant, la jeune femme ambitionnait un autre titre. Elle rêvait d’être reine de France…
Depuis quelque temps, déjà, elle poussait le roi à répudier Margot qui vivait toujours en exil et n’avait de reine que le nom. Elle renouvela ses prières, déploya tout son charme, se fit tendre et voluptueuse… Finalement Henri IV envoya à Usson M. Erard, maître des requêtes, auprès de son épouse. Qu’offrait-il à Marguerite en échange d’une couronne ? Une somme de deux cent cinquante mille écus pour payer les dettes que la pauvre avait dû faire depuis dix ans, une rente viagère et une place de sûreté. Il demandait, en échange, à la reine qu’elle donnât une procuration en blanc, et qu’elle déclarât devant l’Official « que son mariage ayant été contracté sans dispense, à un degré de parenté prohibé et sans libre consentement », elle en désirait l’annulation.
M. Erard arriva à Usson après une semaine de voyage. Il devait avoir en arrivant un curieux spectacle. Margot, qui aimait toujours autant le jeu d’amour, avait, en effet, pris l’habitude de se coucher nue sur un lit en laissant sa fenêtre ouverte « pour donner aux passants qui jetoient un regard l’envie de venir lui beliner le joyau ».
C’est ainsi que le maître des requêtes, austère et digne homme s’il en fut, revit pour la première fois sa souveraine…
L’idée d’un divorce ne déplaisait pas à la reine Margot dont le seul espoir était de sortir d’Usson, et qui savait bien que jamais Henri IV ne la rappellerait auprès de lui. Mais, en femme rouée, elle voulut profiter de la situation, montra des exigences et, pour bien affirmer son indépendance, fit traîner les pourparlers.
Son attitude était pourtant pleine de respect. Elle évitait, en effet, de manifester une amertume qui eût risqué d’agacer le roi. D’ailleurs, était-elle amère ? Elle avait bien sûr quarante ans et sa vie s’était trouvée gâchée par un mariage imposé ; mais grâce à une époque troublée elle avait eu tous les amants qu’une femme bien douée physiquement pût souhaiter avoir dans son lit : des petits, des grands, des gros, des maigres, des vieux, des jeunes, des ouvriers, des intellectuels et même un chanoine de Notre-Dame de Paris, le vigoureux Choissin, dont on disait « qu’il lui avait souvent parfumé son devant de thorax »… Et puis sa vie n’était pas finie, et elle espérait bien continuer à « faire l’androgyne », comme on disait alors par manière de plaisanterie. Une seule chose lui importait donc : quitter le château d’Usson et rentrer à Paris, où
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