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Dans l'intimité des reines et des favorites

Dans l'intimité des reines et des favorites

Titel: Dans l'intimité des reines et des favorites Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Guy Breton
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l’assistance avait les yeux fixés sur deux nouveaux venus à la cour, les sieurs de Ragny et de Montigny, qui s’inclinaient devant Henri  IV . Comme celui-ci se baissait pour les relever, le jeune homme tira brusquement un couteau de sa poche et lui en porta un coup violent au visage. On entendit alors « un bruit comme si l’on avoit donné un soufflet à quelqu’un ».
    — Au diable soit la folle, s’écria le roi. Je crois qu’elle m’a blessé !
    — C’est faux, répliqua aussitôt la bouffonne qui vivait à la cour, ce n’est pas moi !
    Personne n’avait compris ce qui s’était passé ; aussi, quand Henri  IV retira une dent de sa bouche et la montra à l’assistance, y eut-il quelques cris de surprise et un léger affolement. Enfin, Montigny remarqua l’inconnu qui demeurait immobile au milieu du désordre, les mains tremblantes.
    — C’est vous ou moi qui avons blessé le roi, dit-il.
    L’autre devint livide et les gardes se jetèrent sur lui.
    À ses pieds, on trouva le couteau sanglant dont il s’était débarrassé. Arrêté sur-le-champ, il déclara s’appeler Jean Chastel, et reconnut qu’il avait voulu tuer le roi.
    — J’ai frappé trop haut, dit-il, l’air ennuyé. Je visais le cou.
    Mené au Fort-l’Évêque, le jeune homme y fut interrogé et les juges, qui croyaient avoir affaire à un attentat politique, comprirent avec stupeur qu’il s’agissait de tout autre chose.
    Jean Chastel avait des vices contre nature qui auraient pu faire sa fortune sous Henri  III , mais qui le gênaient sous Henri  IV . Il était venu trop tard dans un monde trop pieux. Or, à plusieurs reprises, il avait dissimulé dans ses confessions les péchés honteux auxquels ses goûts anormaux l’avaient poussé. Sachant que saint Thomas [128] s’était élevé violemment contre la sodomie, il avait fini par penser qu’il ne pourrait jamais obtenir l’absolution et qu’il mourrait en état de péché mortel. Le malheureux avait donc imaginé de tuer le roi pour avoir, au moment de son exécution, l’assistance d’un prêtre forcé de l’absoudre…
    Son rêve se réalisa deux jours plus tard : après s’être confessé, il fut écartelé.
    Naturellement, les juges ne publièrent pas les véritables mobiles de Jean Chastel – qui nous sont connus grâce à Jacques de Thou, l’historien ami de Henri  IV . Ils préférèrent laisser croire à un attentat politique, et comme le jeune tourmenté avait été élevé par les Jésuites, Ligueurs acharnés, ils accusèrent ceux-ci d’être à l’origine du complot.
    Le procès fut rapide. Poussé par le roi qui voyait là une occasion de se débarrasser de ses ennemis, le Parlement de Paris bannit, par arrêté, tous les Jésuites du royaume.
    Ils partirent, insultés grossièrement, comme il se doit, par le menu peuple qui, neuf mois plus tôt, ne voulait pas de Henri  IV …
     
    Dès qu’il fut remis de ses émotions, le roi se préoccupa de nouveau du petit César. Maintenant que Gabrielle était libre, il pouvait légitimer le fruit de leurs amours : c’est ce qu’il fit par lettres patentes datées de janvier 1595. Le texte de cet acte peu connu et rédigé probablement par les conseillers intimes de Gabrielle est fort curieux. Le roi semble honteux de l’action qu’il accomplit, et cherche à la justifier en invoquant l’intérêt du pays. Après avoir rappelé dans quel état il a reçu le royaume « proche d’une quasi inévitable ruine », il ajoute :
    « On a vu que nous l’avons relevé et par la grâce de Dieu tantôt rétabli en son ancienne force et dignité, n’ayant à ce épargné non seulement notre labeur, mais notre sang et notre vie . » Puis il en vient au sujet même de ses préoccupations et précise qu’il espère que son courage et sa force seront héréditaires chez ceux qui proviendront de lui et «  puisque Dieu n’a pas encore permis que nous en ayons en légitime mariage, pour être la reine, notre épouse, depuis dix ans, séparée de nous [129] , nous avons voulu en attendant qu’il veuille nous donner des enfants qui puissent légitimement succéder à cette couronne, rechercher d’en avoir ailleurs en quelque lieu digne et honorable, qui soient obligés d’y servir, comme il s’en est vu d’autres de cette qualité [130] qui ont bien mérité de cet état et y ont fait de grands et notables services. Pour cette occasion, ayant reconnu les grandes grâces et

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