Dans l'intimité des reines et des favorites
chose que j’ai toujours désirée, et de laquelle j’ai pris bonne espérance, depuis que l’archevêque d’Urbin m’a donné avis que le pape facilitera mon démariage. De sorte que, pour l’accomplissement de ce dessein, il ne me restera plus qu’à voir s’il y aura moyen de trouver une femme assez bien conditionnée.
Le ministre fut intrigué par ce préambule, et se caressa la barbe avec nervosité.
— Si on l’obtenait par souhait, reprit le roi, je voudrais trouver en celle-là sept qualités principales, à savoir : beauté en la personne, pudicité en la vie, complaisances en l’humeur, mobilité en esprit, éminence en extraction, fécondité en génération et grands États en possession. Mais je crois que telle femme n’est jamais née, ni prête à naître. Partant, voyons un peu ensemble quelle fille ou femme, dont nous avons ouï parler, serait à désirer pour moi, soit dedans, soit dehors le royaume.
Sully commença à voir où le roi voulait en venir ; mais il ne dit rien.
— Je vous dirais pour le dehors, poursuivit Henri IV , qu’à l’Infante d’Espagne, quelque vieille et laide qu’elle soit, je m’accommoderais assez, pourvu qu’avec elle j’épousasse aussi les Pays-Bas. Mais le roi Philippe est bien éloigné de ce dessein. Je ne refuserais pas non plus la princesse Arabella d’Angleterre, pourvu qu’elle eût été déclarée héritière présomptive.
« L’on m’a parlé aussi de certaines princesses d’Allemagne. Mais les femmes de ce pays ne me reviennent nullement. Et, si j’en épousais une, je croirais toujours avoir un tonneau dans mon lit. Le duc de Florence a aussi une nièce, Marie, rose et blonde, que l’on dit assez belle [143] , mais de la même race que la reine Catherine, laquelle a causé tant de maux à la France et à moi-même ; partant, j’appréhende fort cette alliance que d’aucuns me conseillent. Voilà pour les étrangères.
« Quant à celles du royaume, vous avez ma nièce de Guise, belle, de grande taille et d’apparence d’avoir de beaux enfants, laquelle me plairait fort, nonobstant de petits bruits que certains font courir sur son compte, car, pour mon goût, j’aimerais mieux une femme qui fit un peu l’amour qu’une qui eût mauvaise tête. Mais j’appréhende la trop grande passion qu’elle témoigne pour ses frères de Lorraine.
Cette fois, Sully, un peu agacé, prit la parole :
— Hé ! quoi donc, Sire ? De tant d’affirmatives et de négatives, je ne saurais conclure autre chose sinon que vous désirez bien être marié, mais que vous ne trouvez point de femme sur la terre qui vous convienne. À ce compte, faudrait-il implorer l’aide du ciel, afin qu’il fît rajeunir la reine d’Angleterre ou ressusciter Marguerite des Flandres, Anne de Bretagne ou Marie Stuart ?
« Pour mon opinion, ni biens, ni royale extraction ne vous sont absolument nécessaires. Ayez seulement une femme que vous puissiez aimer et qui vous fasse des fils, pour que tous les bons Français se réjouissent et les aiment de tout leur cœur.
Henri IV crut que Sully approuvait son choix et dit en souriant :
— Si vous concluez principalement à ces trois conditions que la femme soit belle, d’humeur complaisante et qu’elle me fasse des fils, songez un peu vous-même si vous n’en sauriez pas connaître quelqu’une en qui tout cela se fût rencontré ?
Le ministre fit semblant de chercher et secoua la tête.
— Or sus, que diriez-vous si je vous la nommais ?
— Nommez-la donc, Sire, répondit Sully, car pour moi j’avoue que je n’ai pas assez d’esprit pour cela.
— Oh ! la fine bête que vous êtes ! s’écria le roi en éclatant de rire. Mais je vois bien où vous voulez en venir en faisant ainsi le niais et l’ignorant, c’est en l’intention de me la faire nommer. Or donc, le ferai-je : car vous me confesserez que toutes ces trois conditions peuvent être trouvées en ma chère maîtresse, la duchesse de Beaufort.
Sully fronça les sourcils. Aussitôt le Béarnais, avec sa souplesse habituelle, fit machine arrière.
— Non que pour cela je veuille dire que j’aie songé à l’épouser, se hâta-t-il d’ajouter, mais seulement pour savoir ce que vous en diriez si, faute d’autre femme, cela me venait quelque jour en fantaisie, vous ordonnant de m’en parler librement, puisque je vous ai choisi pour me dire mes vérités en particulier.
Le surintendant des Finances garda un
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