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Dans l'intimité des reines et des favorites

Dans l'intimité des reines et des favorites

Titel: Dans l'intimité des reines et des favorites Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Guy Breton
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moment le silence, puis gravement, lentement, il donna son opinion :
    — Vous rendant obéissance, Sire, je vous dirai qu’outre le blâme général que vous pourriez encourir, et la honte qu’un repentir vous apportera lorsque les bouillons d’amour seront attiédis, je ne puis imaginer nul expédient plus propre à développer les intrigues, embarras et prétentions qui surviendront à cause de vos enfants, nés de si diverses manières et avec des formes tant irrégulières. Pour le premier d’iceulx, on ne saurait nier qu’il soit né d’un double adultère. Le second fils que vous avez à présent se croira plus avantagé à cause que ce ne sera plus que sous un simple adultère. Et ceux qui viendront après, lorsque vous serez marié, ne faudront de prétendre qu’eux seuls doivent être estimés légitimes. À toutes ces difficultés je vous laisserai penser à loisir avant de vous en dire davantage.
    Ce n’était pas du tout la réponse à laquelle s’attendait le roi. Il se leva et dit seulement :
    — Ce ne sera pas trop mal fait, car vous en avez assez dit pour la première fois.
    Sans rien ajouter, Sully quitta la pièce, laissant Henri  IV de fort méchante humeur [144] .
     
    Quelques jours plus tard, le roi, revenant de la chasse vêtu très simplement, et n’ayant avec lui que deux ou trois gentilshommes, passa la Seine au quai Malaquais. Voyant que le batelier ne le reconnaissait pas, il lui demanda ce qu’on disait de la paix de Vervins qui venait d’être signée avec les Espagnols.
    — Ma foi, je ne sais pas ce que c’est que cette belle paix, dit le brave homme, mais il y a des impôts sur tout, et jusque sur ce misérable bateau avec lequel j’ai bien de la peine à vivre.
    — Et le roi, dit Henri  IV , ne compte-t-il pas mettre ordre à tous ces impôts-là ?
    — Le roi est un bon homme, reprit le batelier ; mais il a une putain à laquelle il faut tant de belles robes et tant d’affiquets que cela ne finit point ; et c’est nous qui payons cela. Passe encore si elle n’était qu’à lui, mais on dit qu’elle se fait caresser par bien d’autres…
    Une fois de plus ce n’était pas ce que le roi espérait entendre…
    Il eut pourtant l’esprit d’en rire ; mais le lendemain il envoya chercher le batelier et lui fit répéter devant Gabrielle tout ce qu’il avait dit la veille.
    Le malheureux, rouge de confusion, dut s’exécuter. En entendant certain mot, la favorite entra dans une violente colère.
    — Il faut le faire pendre ! cria-t-elle.
    — Attendez, dit le roi, ce n’est pas tout. La fin est la meilleure.
    Les dernières phrases, bredouillées par le batelier, mirent Gabrielle dans un état voisin de l’hystérie. « Les yeux, qu’elle avait fort beaux, lui sortaient littéralement de la tête et perdaient ainsi, nous dit un contemporain, beaucoup de leur charme habituel. » Le roi voulut la calmer :
    — Il s’agit d’un pauvre diable que la misère met de mauvaise humeur. Je ne veux plus qu’il paye pour son bateau : et je suis sûr qu’il chantera tous les jours : Vive Henri ! Vive Gabrielle ! [145] .
    Furieuse, la duchesse de Beaufort se retira dans sa chambre et le batelier rentra chez lui complètement éberlué ; mais le roi se souvint de la leçon et, le soir même, il demandait à Sully de ne pas ébruiter ses projets matrimoniaux…
     
    Cette précaution était un peu tardive, car toute la cour connaissait déjà les intentions de Henri  IV par Gabrielle, qui ne pouvait s’empêcher de parler « du jour où elle serait reine ». Pourtant, en cette fin de mai 1598, le mariage du roi n’était pas, au Louvre, le principal sujet de conversation. On ne s’entretenait, en effet, que d’une aventure burlesque qui venait d’arriver à une dame de compagnie, la charmante M me  de Vitry. Un soir, cette jeune femme, qu’embrasait un grand feu intérieur, avait, en l’absence de son mari, attiré plusieurs gardes dans sa chambre pour une de ces petites réunions intimes qui apportent généralement beaucoup d’apaisement aux dames ardentes.
    Or, au moment où tout ce monde était très occupé, un bruit de pas résonna dans le couloir et M me  de Vitry, épouvantée, murmura :
    — Mon mari !
    C’était, en effet, le chevalier de Vitry qui rentrait plus tôt que prévu.
    Aussitôt, les gardes cachèrent tous leurs vêtements dans un coffre et se glissèrent entièrement nus sous le lit.
    Il était temps,

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