Dans l'intimité des reines et des favorites
quelques jours après, quatre millions pour le renouvellement de l’alliance avec les Suisses. Le roi ayant insisté, le ministre dut obéir ; mais, pour donner à Henri IV une idée de sa folie, il fit porter la somme en petites monnaies qu’un valet vint étaler dans le cabinet royal. Quand le compte y fut, le plancher était entièrement recouvert et le Béarnais ne put s’empêcher de dire :
— Ventre-saint-gris ! Voilà une nuit bien payée.
Ce qui ne l’empêcha pas de grimper dans sa litière et de retourner à Marcoussis avec les cent mille écus.
Henriette l’accueillit gentiment et reçut l’argent avec une élégante simplicité. Aussitôt, le roi la prit par la main et voulut la conduire vers un lit confortable. Elle l’arrêta :
— Je vous ai tout promis, lui dit-elle, je vous accorderai tout ; mais il faut le pouvoir ; or je suis observée de si près qu’il m’est impossible de vous donner toutes les preuves de reconnaissance et d’amour que je ne puis refuser au plus grand des rois et au plus aimable des hommes.
Voyant le roi effondré, elle ajouta avec un adorable sourire :
— Ne nous flattons point, nous n’aurons jamais la liberté si nous ne l’obtenons de M. et M me d’Entragues. Ce n’est plus moi qu’il s’agit de vous rendre favorable, je n’y suis que trop disposée. Vous avez obtenu mon cœur, que n’êtes-vous pas en droit de demander [161] ?
Puis elle prit le roi par la main, l’embrassa, se fit chatte, autorisa quelques privautés et avoua finalement que ses parents ne consentiraient à les laisser dormir ensemble que s’il acceptait, « afin de garantir leur honneur dans le monde et leur conscience envers Dieu », de lui signer une promesse de mariage.
À ce moment, M me d’Entragues entra dans la pièce et Henri, qui avait besoin de réfléchir, prit congé.
Lorsqu’il fut dehors, il s’aperçut qu’il avait été dupé encore une fois.
Furieux, il se rendit d’une traite à Chenonceaux où il savait que la reine Louise de Lorraine, veuve de Henri III , vivait entourée d’un bataillon de filles d’honneur aussi jolies que perverses. Et dès le premier soir il donna bien de l’agrément à l’une d’elles, Marie Babou de la Bourdaisière, qui, « se trouvant être une cousine de Gabrielle d’Estrées, avait beaucoup de goût pour la chose… ».
Séduit, il ne quitta guère le lit de la belle, s’enivra de plaisir pendant trois jours et rentra à Paris calmé. Mais l’image obsédante de Henriette ne tarda pas à venir le hanter de nouveau, et un soir, après avoir convoqué Charles de Valois, il rédigea la promesse de mariage dans les termes exigés par M. d’Entragues.
Avant de la porter à Henriette, il alla la montrer à Sully qui, sans rien dire, la déchira. Henri fut stupéfait. Incapable de prononcer un mot, il ramassa les morceaux de papier que le ministre avait jetés sur le sol et partit pour Malesherbes. Là, il reconstitua la lettre dont voici le texte effarant :
Nous, Henri quatrième, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre, promettons et jurons devant Dieu, en foi et paroles de Roi, à messire François de Balzac, sieur d’Entragues, Chevalier de nos ordres, que, nous donnant pour compagne damoiselle Henriette-Catherine de Balzac, sa fille, au cas que, dans six mois, à commencer du premier jour du présent, elle devienne grosse, et qu’elle en accouche d’un fils, alors et à l’instant nous la prendrons à femme légitime épouse, dont nous solenniserons le mariage publiquement et en face de notre sainte Église, selon les solennités en tels cas requises et accoutumées. Pour plus grande approbation de laquelle présente promesse, nous promettons et jurons comme dessus de la ratifier et renouveler sous notre seing, incontinent après que nous aurons obtenu de Notre Saint-Père le Pape la dissolution du mariage entre nous et dame Marguerite de France, avec permission de nous remarier où bon nous semblera. En témoin de quoi nous avons écrit et signé la présente. Au bois de Malesherbes, ce jourd’hui premier octobre 1599.
Le soir même, Henriette ouvrait son lit au roi de France et faisait en sorte qu’un heureux événement vînt bien vite obliger celui-ci à tenir sa promesse…
Quelques jours plus tard, Henri IV rentra à Paris en compagnie de la nouvelle favorite. Il était un peu exténué, car Henriette, dans sa hâte d’être enceinte, ne
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