Dans l'intimité des reines et des favorites
qu’elle était blonde, gracieuse, intelligente, cultivée, qu’elle avait les yeux bleus et la fesse attirante.
Une petite lueur s’alluma dans le regard du roi, qui demanda de nouvelles précisions. On lui apprit alors que la jeune personne était la fille de la fameuse Marie Touchet, l’ancienne maîtresse de Charles IX , et qu’elle semblait avoir hérité le tempérament ardent qui avait fait la fortune de sa mère.
Ces détails plurent à Henri IV . Les ayant entendus, il dîna de bon appétit, se montra enjoué et déclara à plusieurs reprises qu’il avait envie d’aller chasser du côté de Malesherbes.
Ainsi, six jours après la mort de Gabrielle, « la racine de l’amour » faisait déjà des efforts pour « rejeter »…
La perspective de connaître une belle fille avait transformé le roi en quelques instants ; au point que la cour, pourtant habituée à ce genre de choses, en fut frappée et que, le lendemain, Nicolas Rapin, fils du poète, écrivit : On met déjà M lle d’Entragues sur le trottoir… Un clou chasse l’autre [159] .
À la fin du mois d’avril, alors que Sully poursuivait les pourparlers avec l’oncle de Marie de Médicis, Henri IV partit avec ses amis, auxquels s’était joint Bassompierre, pour chasser le lièvre près de Malesherbes.
« M me d’Entragues, nous dit Sauval, ayant été avertie du dessein qu’on avait d’embarquer le roi avec une de ses filles, l’envoya prier de venir se reposer chez elle. » Henri IV , abandonnant la chasse, y courut aussitôt. Quand il vit Henriette, il imagina les bons moments qu’on pouvait passer avec elle, et montra une satisfaction qui fit plaisir aux parents.
Le soir même, il voulut pénétrer dans la chambre de la belle et lui montrer qu’à quarante-huit ans il était encore fougueux. Mais il trouva porte close. Henriette, à qui sa famille avait fait la leçon, refusa d’ouvrir et le roi dut rentrer dans son lit, la tête basse…
Le lendemain matin, il était « tout soupirant d’un grand amour ». C’est ce que voulait M me d’Entragues, qui rêvait de voir sa fille prendre la place de Gabrielle d’Estrées.
Plusieurs soirs de suite, Henri IV alla secouer, sans succès, la porte de la jeune fille. Enfin, déçu, amer et « le cœur gonflé de sentiments », il quitta Malesherbes et rentra à Fontainebleau.
Quinze jours plus tard, il revint, fit sa cour humblement et parvint à s’isoler un moment avec Henriette. La petite rouée, sans protester, se laissa prendre le bras, la taille et le tétin, puis, « comme piquée aux fesses », se sauva soudain avec des cris de vierge offensée, abandonnant le roi, « fort embarrassé de sa contenance… ».
Le lendemain matin, Charles de Valois, demi-frère de la jeune fille [160] , vint trouver Henri IV et, d’un ton désagréable, le pria, devant témoins, de cesser ses assiduités. Le roi le prit fort mal. Il injuria Charles, alla saluer ses hôtes et quitta Malesherbes.
Comme toutes ces émotions lui avaient échauffé le sang, il ne rentra pas à Fontainebleau, mais se dirigea vers Châteauneuf où habitait la maréchale de La Châtre, mère de deux jeunes filles ravissantes.
À peine arrivé, il se précipita sur l’aînée, l’accompagna jusque dans sa chambre et, sans lui laisser le temps de s’étonner, lui fit profiter des bonnes dispositions dans lesquelles Henriette le mettait depuis un mois.
Le lendemain il regagna Paris, sans se douter que M me de La Châtre, émue, confuse et reconnaissante, commençait à faire, elle aussi, de beaux rêves pour sa fille…
Après quelques jours consacrés à la rancœur, Henri IV se réveilla un beau matin pris du désir fou de revoir Henriette.
Montant dans une litière, il se fit conduire à Marcoussis, près de Blois, où M me d’Entragues et son mari feignaient de séquestrer leur fille depuis que Charles de Valois avait fait son esclandre.
On le reçut très fraîchement, mais, comme il fallait bien que l’intrigue avançât un peu, il fut tout de même autorisé à rencontrer Henriette en privé. Pendant deux heures, celle que Sully devait appeler « la pimbêche et rusée femelle » se laissa prier, supplier, implorer, puis finalement demanda cent mille écus…
Henri IV , tout joyeux, remonta dans sa litière et revint à bride abattue à Paris pour réclamer la somme à Sully. Celui-ci poussa les hauts cris, car il avait à fournir,
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