Dans l'intimité des reines et des favorites
trouvait déjà déshabillée. En voyant son mari, elle se jeta à genoux ; mais il la releva, la prit dans ses bras et la baisa longuement sur les lèvres.
— J’entends que vous me prêtiez la moitié de votre lit, dit-il, car je n’ai pas apporté le mien.
Sans attendre la réponse, il se déshabilla à son tour et se coucha à côté de Marie de Médicis.
Dix minutes plus tard, elle était reine de France.
16
Henriette d’Entragues veut ameuter l’Europe contre le roi
Quand l’amour est extrême,
il se croit tout permis.
Campistron
Le premier contact entre les nouveaux époux fut assez fâcheux. Le roi trouva la reine molle, fade, trop grasse, niaise et inexpérimentée, tandis que Marie de Médicis était incommodée par la forte odeur de bouc qui émanait de lui. Un historien du temps nous dit même « qu’il puait tellement qu’elle se trouva mal » [164] .
Bref, ils eurent tous deux « un empêchement à leur ivresse » et gardèrent de leur nuit de noces un souvenir plutôt désagréable. Mais ils ne s’étaient pas mariés pour s’amuser, et dès le lendemain soir, malgré le peu de goût qu’ils avaient l’un pour l’autre, ils se remirent courageusement à la tâche et s’efforcèrent de ne pas œuvrer en vain.
Le ciel est secourable aux consciencieux : la reine se trouva enceinte.
Aussitôt, le roi quitta Lyon et retourna à Paris où l’attendait Henriette d’Entragues. Après ces quelques jours consacrés au devoir, il avait hâte de connaître un peu de plaisir. La grosse Florentine à l’esprit lent lui avait donné la nostalgie de sa fine et spirituelle maîtresse. À peine arrivé dans la capitale, il se rendit à l’hôtel de Larchant, où elle habitait, et lui prouva que le mariage n’avait point épuisé ses forces. Ils restèrent plusieurs jours au lit. Quand ils se relevèrent, Henriette était enceinte, elle aussi…
Le désir de retrouver la femme qu’il aimait avait fait commettre au roi une grosse faute : il avait laissé Marie de Médicis seule en compagnie des aventuriers de tout poil qu’elle avait amenés d’Italie et qui composaient sa suite.
Or parmi ces personnages sans scrupules se trouvaient une femme et un homme qui allaient bientôt jouer un rôle désastreux dans notre pays. Ils s’appelaient Léonora Dosi [165] et Concino Concini…
Elle, était la sœur de lait de la reine ; intelligente, ambitieuse, rouée, elle avait acquis une autorité considérable sur la Florentine qui ne cherchait qu’à lui faire plaisir. C’était, nous dit un de ses biographes, « une petite personne fort maigre et fort brune, de taille assez agréable, aux traits accentués et réguliers ». Elle avait vingt-sept ans.
Lui, remplissait auprès de la reine les fonctions d’écuyer. Il était, nous dit-on, « vaniteux et vantard, souple et hardi, rusé et ambitieux, pauvre et avide ». Il avait vingt-cinq ans.
Ils étaient faits pour s’entendre.
Ils firent mieux ; ils s’aimèrent.
Pendant le voyage, Léonora était tombée amoureuse de Concini et l’avait attiré dans sa chambre, car c’était une femme de tête.
Flatté d’avoir été remarqué par une dame qui vivait dans l’intimité de la reine, et supputant les avantages que pouvait lui apporter une telle liaison, l’écuyer avait cédé.
Depuis, c’était lui, par l’intermédiaire de Léonora, qui dirigeait Marie de Médicis… On conçoit, dans ces conditions, l’importance de la faute du Béarnais qui abandonnait la reine au moment où il aurait dû se montrer vigilant.
Au lieu de renvoyer en Italie tous ces « freluquets » bruyants, bavards et ambitieux, qui n’étaient venus en France que pour y chercher fortune, et couper ainsi tous les liens sentimentaux qui unissaient la Florentine à son pays, il laissa s’établir des habitudes. Et lorsque la reine le rejoignit à Paris, au début de février 1601, les Italiens étaient déjà installés dans leurs fonctions. Léonora était demoiselle d’atours, titre qui n’était donné en France qu’aux dames de la noblesse, et Concini avait la haute main sur toute la suite de Marie de Médicis…
Les jeux étaient faits…
En arrivant au Louvre, la nouvelle reine fut fort déçue. Elle s’attendait à entrer dans un palais merveilleux, comparable à ceux qu’elle avait connus à Florence, et ne trouva qu’un vieux bâtiment gris, sale et poussiéreux, où les appartements qui lui étaient
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