Dans l'ombre de la reine
du ciel, où voulait-il en venir ?
— Nous ne pouvons vous rétribuer plus largement que les autres dames de votre rang, intervint Élisabeth, mais nous vous autorisons à entreprendre une tâche honorable, seyant à votre condition, contre une rémunération supplémentaire. Vous continueriez à recevoir vos appointements. Dudley connaît votre histoire et a notre permission de formuler l’offre qu’il s’apprête à vous soumettre.
Dudley s’inclina, puis se tourna vers moi.
— Lady Dudley, que l’on appelle encore souvent par son nom de jeune fille, Amy Robsart, est gravement malade. Sir William Cecil, qui est passé la voir en revenant d’Édimbourg, dit qu’il n’a rien remarqué, mais elle fait bonne figure devant ses visiteurs. En réalité, elle souffre d’une excroissance à l’un des seins. Les médecins doutent qu’elle voie Noël prochain. De plus, la rumeur que je voudrais lui nuire est parvenue à ses oreilles. Nous vivons en étrangers depuis quelques années. Notre mariage – un coup de tête – fut un échec, mais je ne lui souhaite aucun mal. Sa dame de compagnie, une certaine dame Pinto, ne la quitte pas et supporte seule un lourd fardeau. Mon épouse est atteinte dans son esprit comme dans son corps. Ses craintes alimentent les rumeurs et je souhaite que cela cesse. J’aimerais donc que vous entriez au service de mon épouse, afin de seconder dame Pinto et de convaincre Lady Dudley, dans la mesure du possible, qu’elle n’a rien à redouter de moi. Vous ne m’êtes liée ni par le sang ni par la gratitude. Si vous êtes là-bas lorsque la fin viendra, et pouvez confirmer que le décès a été naturel, alors, par la grâce de Dieu, vous aurez sauvé ma réputation.
— Et la mienne, intervint Élisabeth. En cette affaire, ce qui touche à l’honneur de Sir Robin touche aussi au mien.
Un scandale n’aplanirait pas le chemin vers l’autel, pensai-je, et je fus surprise lorsqu’elle ajouta d’un ton ferme :
— Nous désirons que Lady Dudley vive le plus longtemps possible. Il est donc nécessaire de la tranquilliser. Voulez-vous nous y aider ? Cela constituerait, je crois, une solution pour vous.
Élisabeth révélait une personnalité ô combien mystérieuse. Elle ne se contentait pas de prononcer les paroles de mise, mais les pensait avec sincérité. Je n’eus pas le loisir de réfléchir à cette idée intrigante, car Dudley poursuivit :
— Quant à moi, je ne peux guère apaiser Amy. Je lui ai rendu visite, voici quelque temps. À ma vue, elle s’est mise à pleurer et à trembler comme une feuille.
Il haussa les épaules avec, me sembla-t-il, plus d’exaspération que de pitié.
— Le plus grand geste de bonté que je puisse avoir pour elle est de me tenir à l’écart. Mais si vous acceptez ma proposition, je vous offrirai…
Je retins un cri en entendant la somme. Elle m’épargnerait tout problème financier pendant au moins trois ans.
L’idée m’avait traversée que si Matthew me demandait de l’épouser, je n’aurais plus à me soucier de l’avenir. Je m’étais même demandé si, dans l’intérêt de Meg, je ne devais pas l’encourager. Mais un autre moyen se présentait, qui ne m’obligeait pas à un mariage avant que j’y fusse prête, ni à la moindre infidélité envers la mémoire de Gerald.
— Où réside Lady Dudley ?
— Dans le Berkshire, à la limite de l’Oxfordshire, répondit Dudley. Abingdon est la ville la plus proche. La demeure s’appelle Cumnor Place.
Je ne me doutais pas de ce qui m’attendait. À l’époque, il me semblait que j’allais être payée rubis sur l’ongle rien que pour réconforter une malheureuse malade, et pour essayer, avec douceur, de la dissuader de propager des rumeurs. Quoique pénible, la tâche ne paraissait pas difficile et j’aurais de l’argent pour Meg. Tout ce qu’elle avait quand nous nous étions séparées devait maintenant être trop petit. Elle aurait besoin de robes, de bonnets et de souliers neufs. Je regardai Élisabeth.
— Madame, souhaitez-vous que je me rende auprès de Lady Dudley ?
— Oui, Ursula, nous le souhaitons. Nous avons en outre votre intérêt à l’esprit. Mieux vaut que vous restiez loin de la cour quelque temps. Vous désirez peut-être réfléchir tranquillement à certaine question. N’est-ce pas ?
Elle parlait de Matthew. À la lueur amusée dans les yeux de Dudley, il le savait aussi. Je rougis.
— Toutefois, nous ne
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