Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Dans l'ombre des Lumières

Titel: Dans l'ombre des Lumières Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Dingli
Vom Netzwerk:
être brisé à coups de crosse par les Jacobins. Il songea, en se grisant que, peut-être, l’amant de Cléopâtre et le premier empereur romain avaient esquissé le même geste que lui. À dix-huit siècles de distance, il lui semblait effleurer les doigts d’un César.
    — Elle est magnifique, dit Amélie en s’extasiant, elle exprime tant de majesté. Voulez-vous que nous la considérions comme notre statue ? Si jamais nous sommes séparés, nous viendrons nous parler par son truchement. Sous les auspices de Zeus, ne suis-je pas modeste ?
    Antoine fut touché par cette marque de complicité dont l’humour tentait de masquer la candeur. Il ralentit le pas.
    — Amélie, j’aimerais vous faire plaisir. Ordonnez seulement et je vous obéirai.
    — Voyons, fit-elle en se prenant au jeu.
    Elle s’arrêta de sourire, prit un air sérieux et fixa Antoine.
    — J’aimerais que vous me dessiniez.
    Le peintre était stupéfait. Il s’attendait à des enfantillages, à des badineries de jeunes gens.
    — Je n’aurais jamais osé vous le demander… Et votre tante ?
    — Il suffira d’obtenir sa permission.
    — Elle refusera, j’en suis sûr. Elle me déteste.
    — Mais non, vous vous trompez, elle souffre seulement de son veuvage. Je crois pouvoir la convaincre… Ou, plutôt, non… vous essaierez vous-même, ce sera le meilleur moyen de vous raccommoder avec elle.
    Amélie ne lui laissa pas le temps de réagir.
    — Je lui dois beaucoup, Antoine. Si je me trouve aujourd’hui à Paris, c’est grâce à elle. Gabrielle a su persuader mon père de me laisser partir ; personne d’autre n’aurait été capable de le faire ; depuis quelque temps, elle prend le risque de lui mentir pour que nous puissions nous voir… Comprenez-moi, elle représente ma liberté. D’ailleurs, vous et moi ne sommes pas même engagés…
    — Justement, je…
    — Non, je vous en prie, ne brûlez pas les étapes… Faites-moi donc confiance…
    Le Toulousain acquiesça.
    — Demain, je dois visiter une de mes cousines à Saint-Mandé. Il serait préférable que vous vous entreteniez seul avec ma tante de notre projet…
    Ils achevèrent leur promenade sans évoquer davantage la question, mais ils ne songeaient tous deux qu’à cela.
     
    Dès le lendemain, Antoine se rendit au faubourg Saint-Germain. Il s’était un peu dégrisé et regrettait presque ses propositions romanesques de la veille. Cape-de-Biou 1  ! jura-t-il en gascon, l’amour courtois et les fables des troubadours n’étaient plus de saison. Il lui en coûtait de flatter Mme de Nogaret, mais il était prêt à tout pour séduire Amélie. Il prit donc son courage à deux mains et fit sonner le lourd marteau de fer sur le contre-heurtoir de l’hôtel.
    Gabrielle l’attendait dans le salon. Elle lisait. Il lui fallut quelques longues secondes pour déposer son livre et relever la tête. Tout, chez elle, paraissait étudié, jusqu’à l’air concentré qu’elle prenait pour achever son chapitre, jusqu’au sourire un peu forcé avec lequel elle pria Antoine de s’asseoir. Elle fit bien pis encore. Elle savait que le Toulousain était tendu. Elle voyait qu’il se tordait les mains sur sa chaise, qu’il bredouillait assez sottement, qu’il ne savait pas comment formuler sa demande. Mais elle ne fit rien pour l’aider. Elle employa au contraire toutes les petites cruautés dont les êtres aigris ont le secret.
    — Je crois que vous voulez me parler, Antoine.
    — Je… enfin, j’ai pensé qu’Amélie pourrait me servir de modèle pour l’Académie.
    Gabrielle fronça les sourcils.
    — De modèle ? Vous n’y songez pas sérieusement, mon ami. C’est absolument impossible.
    — Je sais toutes les bontés que vous avez eues pour moi, Madame ; j’y ai répondu avec beaucoup de maladresse, il est vrai. Mais, si vous pouviez m’accorder cette seule grâce, vous feriez de moi le plus heureux des hommes.
    Elle l’observa avec une expression triomphale qui semblait dire : je vous tiens dans le creux de ma main, mon cher. Vais-je replier les doigts ou bien les ouvrir ?
    — Malheureusement, je ne puis accepter.
    — Je vous assure que cette étude est essentielle pour ma réception à l’Académie.
    Il s’empêtrait dans un mensonge assez grossier. Gabrielle le considéra comme si elle allait lui asséner l’estocade.
    — Voyons, ce ne sont pas les modèles qui manquent à Paris.
    — Aucun ne peut m’inspirer autant

Weitere Kostenlose Bücher