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Dans l'ombre des Lumières

Titel: Dans l'ombre des Lumières Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Dingli
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d’un joli blanc moucheté. Ses cheveux blonds étaient coiffés en grosses boucles dont le dernier rang retombait sur les seins. Elle avait des yeux verts frangés de longs cils, une silhouette avantageuse et une expression pleine de sensualité.
    — Voulez-vous que nous commencions, demanda-t-elle.
    Antoine eut l’air un peu stupide. Il alla chercher son carton à dessins et la petite cassette en bois d’olivier où il rangeait ses crayons.
    — Quel genre de dessin désirez-vous ?
    — Un nu, répondit le Toulousain sans même réfléchir.
    Il devint rouge de honte, réalisant après coup l’énormité de ce qu’il venait de dire. Il n’avait pas besoin d’un nu. Mais une force irrépressible le guidait, comme si quelqu’un d’autre s’exprimait par sa bouche. Loin d’être choquée, la jeune femme se contenta d’obtempérer.
    Il la regarda se déshabiller. Juliette Marquet ôta ses vêtements comme si elle accomplissait un rituel. Elle délaça ses bottines, dégrafa sa robe, puis dénoua ses rubans. À l’aide de ses doigts effilés, elle fit glisser ses bas de soie le long de ses cuisses avant de les déchausser délicatement. Elle s’installa sur le lit, s’empara d’un pan de drap et replia une jambe pour cacher son sexe.
    Antoine avait déjà fait l’amour avec l’un de ses modèles. Il s’agissait d’une fille du peuple, une Albigeoise, qu’il eut la chance de ne pas engrosser. Il n’était pas insensible à ces corps féminins exposés pour l’étude, mais il trouvait souvent l’équilibre entre le désir et le travail. Et puis, certaines de ces femmes le laissaient indifférent, en raison de leur comportement, de ce qu’il croyait deviner de leur caractère, de leur froideur apparente, et surtout de sa propre concentration ; d’autres fois, il les dédaignait pour un simple détail physique qu’en bon démiurge du pinceau, il s’empressait d’atténuer. Quelques laiderons faisaient des mines pour le séduire tandis que de véritables Vénus se pétrifiaient comme si elles cherchaient déjà à se couler dans le marbre. Mais la plupart du temps, la technique dévorait la chair, s’y substituait, la transfigurait et, à la froideur apparente du modèle, répondait celle de l’artiste. Il s’établissait alors un dialogue étrange, un parallèle, chacun faisant son office, le peintre, obsédé par son œuvre, et le modèle, limité à des gestes mécaniques, à une expression d’absence, presque de vide. Lors des séances d’école, ce n’était même pas un corps nu qui se trouvait exposé au milieu des perruques, des chemises et des cravates, mais l’œuvre d’art elle-même, comme si la chair n’en était que l’embryon, l’ébauche imparfaite et que l’original fût en réalité la copie.
     
    Ce jour-là, tout semblait à la fois excessif et radicalement nouveau. Antoine avait l’impression de dénuder une beauté interdite. Le plaisir de voir le corps d’une femme épanouie s’ajoutait au caractère exaltant de la transgression.
    — Guidez-moi, suggéra-t-elle avec une pointe d’érotisme.
    Elle avait pourtant pris la pose naturellement. Elle était allongée sur le flanc, face à lui, comme une odalisque qui attend, lascive, l’arrivée du sultan.
    — Je crois que ce sera parfait pour cette étude-là, répondit Antoine.
    Juliette le considéra avec un air mi-coquin, mi-victorieux.
    — Pour cette étude, dites-vous, pourquoi, il y en aura d’autres ?
    — Si vous êtes disponible, murmura-t-il en essayant de calmer son excitation.
    — Je saurai l’être pour vous.
    Elle déployait tant de séduction que le désir d’Antoine tourna au supplice. Trois mètres seulement le séparait de ce corps somptueux, de cette bouche sensuellement entrouverte, de ces gestes caressants qui remontaient régulièrement le drap sur le haut des cuisses. Parfois encore, c’était la main, blanche comme de la nacre, qui masquait le sexe. À d’autres moments, elle avait l’air majestueux du léopard qui domine le paysage, couché sur un rocher.
    — Puis-je voir ce que vous avez fait, demanda-t-elle en se rhabillant.
    Il lui montra son dessin.
    — C’est très beau, vous avez un don.
    — Vous me jugez sans doute un peu vite…
    Elle devint sérieuse.
    — Non, croyez-moi, je sais distinguer le talent de la médiocrité et les hommes sincères des flagorneurs.
    Était-ce une menace, une promesse ? Antoine fut troublé.
    — Demain soir,

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