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Dans l'ombre des Lumières

Titel: Dans l'ombre des Lumières Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Dingli
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que…
    — Monsieur, interrompit sèchement Gabrielle, il serait discourtois d’insister davantage, ne trouvez-vous pas ?
    Le Toulousain tourna la tête et fit le geste de se lever.
    — Non, attendez !
    L’expression de Gabrielle s’était radoucie.
    — Je ne suis pas votre ennemie. Ne me jugez pas sur les apparences. Mais, ce que vous me demandez est impossible. Si vous voulez que je plaide un jour votre cause auprès de mon frère, il faudra me faire confiance. Cette histoire de dessin est prématurée ; elle vous entraînerait bien trop loin. Songez que vous pourrez la dessiner à votre guise quand vous aurez obtenu sa main. Vous comprenez ce que je veux dire, n’est-ce pas ?
    Antoine passa de l’humiliation au comble de la joie.
    — Je ne sais comment vous remercier.
    — N’allez pas trop vite, je n’ai encore rien tenté. Mais je connais mon frère. Croyez-moi, l’âpreté de mon caractère…
    — Mais non, vous…
    — Allons, allons, je sais très bien ce que vous pensez de moi. L’âpreté de mon caractère, dis-je, n’est rien comparée à la sienne. Je verrai donc ce que je peux faire pour vous. Mais ne précipitons pas les choses et restons-en, pour l’instant, à cette affaire de dessin.
    — Je vous ai suffisamment importunée ; je trouverai bien un modèle moi-même.
    — J’insiste ; je veux vous aider, ce sera ma façon de vous montrer que je ne suis pas aussi méchante que vous le supposez.
    — Je ne l’ai jamais pensé.
    Elle le laissa proférer ce mensonge sans réagir et se contenta de réfléchir.
    — Je crois pouvoir trouver un modèle qui vous conviendra… si la personne à laquelle je songe est disponible, bien entendu.
    — Une femme ?
    — Ne vous inquiétez pas, elle a déjà travaillé pour des peintres et possède d’ailleurs une grâce naturelle qui vous enchantera. Elle sait se plier aux indications des artistes.
    — C’est que… j’avais une idée bien arrêtée sur le sujet. Il me faut un physique particulier. C’est ainsi que nous procédons ; le projet est abouti dans notre tête, bien avant d’être couché sur la toile.
    — Je ne voudrais pas vous forcer la main, mais… Rencontrez-la, et vous verrez si elle vous convient.
    Il hésita quelques secondes avant d’accepter. Il n’aimait pas que l’on vînt se mêler de sa peinture. Mais, après tout, Gabrielle ne faisait que répondre indirectement à l’une de ses demandes. Et puis, que risquait-il ? L’important était de gagner les faveurs de cette femme, d’en faire une alliée. Elle prendrait son parti le jour où il se déciderait à demander la main de sa nièce. Cela valait bien quelques heures perdues à dessiner une inconnue ; Gabrielle aurait la satisfaction de diriger les choses et l’amour-propre de cette vaniteuse s’en trouverait flatté.
    — Quand pourrai-je la rencontrer ?
    Le visage de la veuve se dérida. Il devint presque gracieux.
    — Je vous le ferai savoir, ne vous inquiétez pas.
    1 - Juron qui signifie « tête de bœuf ».

V
    Une semaine s’écoula. Amélie, qui avait prolongé son séjour à Saint-Mandé, ne lui écrivait plus.
    Il sortit de chez lui pour effectuer son service. Il marchait encore dans la rue Mauconseil quand il croisa une femme d’une grande beauté. Il ne put s’empêcher de l’observer avec insistance, à la manière d’un céladon de boulevard. Il eut même cet air un peu fat qu’ont souvent les jeunes élégants et les jolis museaux lorsqu’ils reniflent le parfum d’une dame. À sa plus grande surprise, elle s’approcha de lui.
    — Pardonnez-moi, Monsieur, savez-vous où loge le peintre Antoine Loisel, on m’a dit qu’il habitait près de la maison du charron, en face de la rue Françoise…
    Antoine mit quelques instants avant de réagir tant il était sous le charme.
    — Oui… c’est moi.
    Elle eut un sourire un peu canaille.
    — Je me présente, Juliette Marquet. Mme de Nogaret m’a dit que vous cherchiez un modèle pour réaliser une académie.
    — Je… bien sûr… c’est ici, montez, je vous en prie.
    Il la suivit dans l’escalier. Il avait un peu honte de la malpropreté des lieux. Elle releva le bord de son jupon pour ne pas le salir, dévoilant la finesse de ses chevilles qu’enserrait le cuir lustré des bottines. Sa toilette évoquait le bon goût d’une petite bourgeoise habituée aux modes de Paris. Elle portait une coiffure à la persane et une robe en linon d’Angleterre

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