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Dans l'ombre des Lumières

Titel: Dans l'ombre des Lumières Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Dingli
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formant chez elle un petit cercle de dévots toqués de magnétisme animal. Elle appartenait à ces personnalités qui sautent d’un fanatisme à l’autre aussi facilement qu’elles changent de masque. Lors de sa dernière visite, le gazetier lui avait fait comprendre qu’il ne voulait pas d’une rupture définitive avec le jeune peintre ; Gabrielle savait parfaitement que Virlojeux n’était pas homme à pardonner ce genre de manquements à ses volontés. Ce fut dans ce contexte que, désireuse de ne pas perdre la face et de conserver le soutien de son mentor, elle commit une erreur.
    — Vous croyez que c’est moi qui m’oppose à cette rencontre ? Mais ma nièce elle-même n’a aucune envie de voir votre protégé , comme vous dites.
    — Qu’elle me fasse donc la courtoisie de me l’avouer elle-même. Je voudrais l’entendre de sa bouche, alors je partirai.
    Gabrielle hésita un instant, mais le défi était trop tentant et elle pouvait difficilement reculer.
    — Georges, dit-elle en se tournant vers le majordome, demandez à Mademoiselle de venir, je vous prie.
    Éléonore soupira très discrètement afin de masquer son soulagement. Elle avait remporté une première manche.
    Au bout de quelques minutes, Amélie entra dans la pièce. Éléonore fut saisie par la beauté de la jeune fille. Les traits creusés de son visage, la profondeur de son regard mélancolique, accentuaient son charme.
    — Mme d’Anville est la protectrice de M. Loisel. Elle ne veut pas croire que vous refusez de le voir.
    Amélie ne put réprimer un mouvement de joie.
    — Comment va-t-il ? demanda-t-elle d’une voix impatiente.
    — Il est au plus mal, Mademoiselle. Comme je l’ai dit à votre tante, il ne passera pas le mois s’il n’a pas rapidement le bonheur de vous voir.
    Amélie devint livide.
    — Que dites-vous ? Je le savais légèrement souffrant mais j’ignorais qu’il était incommodé à ce point.
    — Avant-hier, il s’est évanoui et ne s’est réveillé qu’après vingt-quatre heures de délire. Les propos du médecin sont préoccupants. J’ai voulu lui dissimuler la gravité de son état, mais je devais en même temps l’alarmer suffisamment pour le faire réagir. Malheureusement, il ne veut rien entendre. Il vous aime plus que la vie, Mademoiselle.
    Amélie vacilla. Ses yeux étaient humides. Gabrielle comprit que les choses lui échappaient.
    — Je pars avec vous à l’instant, dit la jeune fille d’un ton volontaire.
    — Vous n’y pensez pas, se rebella Gabrielle.
    Le visage d’Amélie se durcit.
    — Ma tante, je vous le répète ; je vais voir Antoine. Ni vous ni personne ne pourrez m’en empêcher. Tout cela n’a d’ailleurs que trop duré.
    Gabrielle, qui ne s’attendait pas à une telle réaction, resta sans voix. Et Mme d’Anville en profita pour se tourner vers Amélie.
    — Je vous en prie, partons immédiatement, il n’y a pas un instant à perdre.
    — Je vais être obligée d’en référer à votre père, fit la veuve avec une moue qui reflétait sa rage impuissante.
    Amélie se contenta de lui jeter un coup d’œil dédaigneux, puis sortit avec Éléonore.
     
    Allongé dans sa chambre, Antoine luttait depuis des heures contre le sommeil. Il sursautait au moindre craquement de l’escalier et se redressait péniblement chaque fois qu’une voiture ralentissait dans la rue. Pour se préparer au pire, il imaginait le visage défait de Mme d’Anville et le désespoir qui l’envahirait en cas d’échec.
    Lorsqu’il vit enfin Amélie apparaître sur le seuil, il fut submergé par l’émotion. Ils échangèrent un regard où le désir et le soulagement étaient encore empreints de douleur. Éléonore adressa un sourire discret à Antoine puis s’en alla. Amélie s’approcha du lit et posa sa main sur le visage du peintre.
    — Vous m’aimez donc, dit-elle d’une voix hésitante.
    — Vous en doutiez ?
    — Vous m’avez tellement fait souffrir…
    — C’est bien ce qui me dévore… Si vous saviez comme je me hais d’avoir été aussi faible. Quand j’ai réalisé à quel point je vous aimais, j’ai éprouvé de la répulsion pour les mots… Je voulais qu’il n’y eût plus que des actes, ou plutôt des épreuves… Me pardonnerez-vous ?
    — À la seule condition que vous vous soigniez.
    — Je le ferai par amour de vous…
    Elle tourna la tête.
    — Pourquoi vous cacher… Je sais bien tout le mal que je vous ai

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