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Dans l'ombre des Lumières

Titel: Dans l'ombre des Lumières Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Dingli
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le vit se morfondre seul sur le trottoir. Elle lui apprit que la jeune femme vivait désormais dans une chambre intérieure de l’hôtel et ne sortait presque plus.
    Cette fois, Antoine commença à perdre espoir. Les quintes de toux ne le quittaient plus. Il était épuisé, démoralisé. En dernier recours, il se précipita chez Virlojeux. Il frappa à la porte de l’imprimerie, mais n’y rencontra que les ouvriers. Sans attendre, il courut chez le comte de Neuville où logeait son ami. Mais, celui-ci était absent. Le lendemain, il le trouva enfin dans son atelier.
    — Antoine, comment allez-vous ? Je vais aux Tuileries, à l’Assemblée, voulez-vous partager un fiacre avec moi ?
    Ils montèrent en voiture. Les encombrements étaient denses. Le froid de novembre mordait les chairs et les deux hommes avaient relevé le col de leurs manteaux.
    — Vous vous êtes mis dans une situation fâcheuse, fit Virlojeux d’un air grave.
    — Vous êtes au courant ?
    Évidemment, il l’était, comme toujours, pensa Antoine.
    — Mme de Nogaret, vous le savez, n’a pas de secret pour moi.
    — Alors que pensez-vous de son procédé ignoble ? Comment pouvez-vous dire que je me suis mis dans une situation fâcheuse, puisque c’est elle seule qui m’y a placé.
    — Bien sûr, bien sûr, mais, à l’avenir, vous devriez vous montrer plus vigilant. À tort ou à raison, Gabrielle considère qu’elle a un droit de regard sur la vie de sa nièce. Vous l’ignorez sans doute, mais elle est stérile et n’a pas eu d’enfant. Son défunt mari ne lui en a jamais fait le grief. Il était à ses pieds ; imaginez que ce sot était suffisamment riche pour posséder les plus belles femmes de Paris.
    — Mais en quoi cela excuse-t-il sa conduite ?
    — Je lui ai mis en tête les idées de la Révolution. Elle s’en est déjà engouée comme une carmélite de son bréviaire. Mais il lui reste encore quelques préjugés de sa caste. Elle ne s’en rend pas compte elle-même. Bah ! Je parviendrai à la faire changer sur ce point aussi.
    Virlojeux parlait de Gabrielle avec froideur comme d’une marionnette à qui il envisageait de faire adopter de nouvelles figures.
    — Mlle de Morlanges refuse de me voir. J’en suis crucifié, mon cher Gaspard. Je vous ai déjà tant sollicité. Mais, si votre amitié me concédait cette dernière grâce…
    — Parlez, je vous écoute.
    — Vous pourriez peut-être intervenir en ma faveur. Je ferai tout pour réparer la faute que j’ai commise, ou plutôt pour corriger la faiblesse qui m’a entraîné dans ce piège.
    — J’essaierai de convaincre sa tante. Notre amitié m’est précieuse, je vous l’ai souvent dit.
    — Merci, je n’en attendais pas moins de vous.
    Ils gardèrent un moment le silence. Antoine était très touché par la sollicitude de Virlojeux. Une fois encore, il chercha maladroitement le moyen de l’obliger.
    — À propos, avez-vous pu employer l’argent de mon père ?
    Virlojeux le regarda du coin de l’œil, avec son regard vif et pénétrant.
    — Malheureusement, toute la somme est déjà épuisée.
    — Les trois mille francs ?
    — Que sont trois mille francs aujourd’hui, mon cher, quand il faut soutenir la Nation ?
    — Bien sûr… Si vous voulez, j’essaierai de lui en demander davantage. Mon père est très patriote, je vous l’ai dit. Il se fera un devoir de vous aider.
    — Votre proposition est très aimable, mais je dois la refuser.
    — Pourquoi donc ?
    — Je ne veux pas qu’il soit question d’argent entre nous. Cela pourrait entacher la pureté de notre amitié. Imaginez que je ne puisse rembourser votre père.
    Antoine eut une violente quinte de toux.
    — Mais qui vous parle d’un prêt ? Je songeais à un don patriotique, comme ceux que nous faisons régulièrement à l’Assemblée nationale. J’ai toujours vu les choses ainsi.
    — Votre générosité me va droit au cœur, Antoine. Mais, non, je ne puis accepter. Je préfère demander à Gabrielle. Perdre son amitié me coûterait beaucoup moins que de perdre la vôtre.
    — Ce serait au contraire m’humilier que de préférer l’argent de cette femme.
    Virlojeux soupira.
    — Eh bien, j’accepte volontiers cette contribution, mais pour la dernière fois, et seulement parce que je ne veux pas vous froisser.
    Antoine exultait. Tout paraissait s’arranger. Son amitié avec Virlojeux était scellée par des témoignages d’affection, et il

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