Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Dans l'ombre des Lumières

Titel: Dans l'ombre des Lumières Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Dingli
Vom Netzwerk:
fois, puis disparut avec les soldats au coin de la grande rue.
     
    Antoine était seul, totalement hébété. Il se ressaisit rapidement afin de trouver une solution. Ici, pas de Virlojeux capable de l’aider. L’administrateur Garnier ? Après le quiproquo de la diligence, il ne fallait même pas y songer. Son beau-père ? Il se moquait de sa fille et faisait partie des principaux suspects du département. Alors qui ? Il ne devait sous aucun prétexte attendre le départ des prisonniers pour Fontenay, car cette ville était entièrement républicaine. Les idées les plus sages comme les plus téméraires se succédaient. Antoine voulut d’abord convaincre les autorités ; il eut ensuite le projet saugrenu de tenter un coup de main à Montaigu même, de forcer la prison avec les paysans de Morlanges… Puis, il jugea plus prudent d’organiser une embuscade dans le Bocage pendant le transfèrement des prisonniers. Bien entendu, il y aurait du péril pour Amélie, mais s’il ne risquait rien, ce serait des mois de prison, les mauvais traitements, la maladie, peut-être la mort.
    Son hébétude s’était transformée en rage quand il fut abordé par un inconnu, un véritable colosse, habillé en paysan.
    — C’est vot’ femme qu’a été arrêtée par les Bleus ?
    — Oui, répondit Antoine l’air à la fois intrigué et désespéré.
    — C’est-y ben la fille du marquis de Morlanges ?
    Le Toulousain acquiesça une nouvelle fois.
    — Alors, je pouvions p’t-être vous aider, suivez-moi !
    1 - C’est-à-dire pas de tirage au sort. Les paysans voyaient dans le recrutement des 300 000 hommes, la résurrection du système de la milice qui avait cours sous l’Ancien Régime. Ils trouvaient le système d’autant plus injuste que les responsables républicains en étaient exemptés, en tant que fonctionnaires, comme l’avaient été avant la Révolution les nobles, les prêtres et leurs domestiques.

VII
    L’homme l’entraîna sur le chemin de Saint-Hilaire-de-Loulay. Il était robuste, mais marchait avec légèreté, sans marquer de pause ni parler. Combien de fois, par la suite, Antoine observerait cette façon caractéristique de traverser le Bocage, à la manière d’un animal agile et silencieux ! Il mit quelque temps avant de l’interroger, impressionné par la mine décidée du paysan. Mais il fut bientôt assailli de doutes. Il se dirigeait vers le nord, dans la direction opposée de Morlanges, loin de Laheu et des seuls appuis qu’il avait dans le pays. Et si cet inconnu lui faisait défaut, il serait bien évidemment incapable de retrouver son chemin, alors que chaque minute comptait pour sauver Amélie.
    Arrivé dans une minuscule clairière, au cœur d’un bois de haute futaie, le Vendéen s’arrêta brusquement. Il se pencha, balaya un tapis de feuilles mortes de la main et s’empara d’un fusil qu’il y avait caché. Antoine en profita pour l’interroger.
    — Où allons-nous, mon ami ?
    — Vous verrez bien, M’sieur. Je pouvions encore rien vous dire.
    — Il le faut pourtant, ma femme est en prison. Je n’ai pas de temps à perdre.
    — Eh ! Vous êtes ben libre de partir, grogna le paysan.
    Antoine hésita un instant, puis se décida à le suivre. Il était déjà tard ; de toute façon, il ne pourrait rien tenter avant la nuit. Et si cet inconnu se révélait incapable de l’aider, il repartirait dès l’aube pour Morlanges. Ils continuèrent à marcher ainsi pendant deux heures, longeant la Maine, traversant les champs et les vignobles. Mais, soudain, alors qu’ils s’approchaient d’Aigrefeuille et bifurquaient vers l’est, en direction de Saint-Lumine, le paysan se jeta comme un furieux sur Antoine, le saisit vigoureusement par le bras et l’entraîna derrière une haie. Le Toulousain crut que sa dernière heure avait sonné. Surpris par une telle brutalité, il voulut crier mais le rustre lui posa l’une de ses mains puissantes sur la bouche en lui faisant signe de se taire. Quelques instants plus tard, un détachement de la garde nationale, muni d’un canon, passa devant eux sans même les voir. Antoine était d’autant plus étonné qu’il n’avait rien entendu. Il était en outre abasourdi par la force herculéenne du paysan qui l’avait soulevé comme un simple fétu de paille.
    Ils reprirent la route jusqu’à un bois où ils pénétrèrent avant le crépuscule. Le ciel était gris ; une pluie fine tombait. Le paysan s’arrêta et

Weitere Kostenlose Bücher