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Dans l'ombre des Lumières

Titel: Dans l'ombre des Lumières Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Dingli
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enfourcher un cheval qui paissait dans la lande, et ils partirent.
    1 - Un peu plus de un mètre quatre-vingt-dix.

VIII
    Antoine s’approcha de Monnier et lui demanda une nouvelle fois :
    — Allons-nous bientôt marcher sur Montaigu ?
    La demande était prématurée pour ne pas dire inepte, mais le Toulousain avait tant d’inquiétudes qu’il était absolument incapable de raisonner.
    — Vous commencez à m’ennuyer, répondit Monnier. Vous voulez donc que nous nous fassions tous tuer ? Il nous faut d’abord désarmer les patriotes de Maisdon, de Châteautébaud et de Saint-Fiacre. Cessez donc de m’importuner avec Montaigu.
    Antoine serra les dents de rage. Il se demandait encore s’il n’allait pas quitter cette bande de gueux pour s’arranger tout seul. Mais Brise-Fer, qui avait vu son désarroi, s’approcha de Monnier et lui expliqua le calvaire que vivait Antoine. Monnier se radoucit progressivement.
    — Ne vous inquiétez donc pas, dès que nous aurons de la poudre et des armes, nous marcherons sur Tiffauges, Montaigu et Clisson. Mon frère et moi sommes encore jeunes et nous ne savons pas faire la guerre.
    — Moi, je sais, répondit Antoine.
    Monnier le fixa, l’air interrogateur.
    — Eh bien, je suis sûr que vous nous serez fort utile.
    Ils parvinrent à trouver des armes dans les bourgs voisins. Un paysan vint leur dire que le curé intrus de Châteautébaud possédait un bon fusil dont il ne voulait pas se séparer. La troupe marcha aussitôt sur la cure où le vicaire s’était enfermé. Le frère cadet de Monnier, qui avait à peine dix-sept ans, grimpa l’escalier avec quelques insurgés. Il était armé d’un simple bâton sur lequel il avait fixé une baïonnette. Le prêtre ouvrit la porte de sa chambre et, sans doute pris de panique, tira sur le jeune homme à bout portant ; mais il ne fit que le blesser au genou. Fou de rage, et malgré sa blessure, ce dernier embrocha aussitôt le religieux avec sa baïonnette. La soudaineté et la violence de la scène glacèrent le sang d’Antoine ; mais il se ressaisit très vite, obsédé par le but qu’il s’était fixé. Pendant que le curé expirait, Monnier ramassa son arme avant de rejoindre le reste de la troupe.
    Ils se dirigèrent alors vers Saint-Fiacre où quatre cents gardes nationaux des environs les attendaient. Antoine reçut un fusil. Cette fois, les choses devenaient sérieuses. Désormais, il ne pourrait plus reculer.
    Les patriotes étaient rangés en ordre de bataille, dans la vigne, près du jardin de la cure. Le fils d’un avocat de Nantes les commandait ; près de lui, se tenait le vicaire intrus de la paroisse. Ils firent aussitôt une décharge qui tua un paysan.
    Pendant quelques secondes, les insurgés considérèrent en silence le cadavre de leur camarade. Puis, soudain, sans même se concerter, ils se précipitèrent en hurlant sur les patriotes ; ces derniers prirent la fuite et près d’une vingtaine d’entre eux fut abattue. Habitués à chasser et à braconner, les paysans faisaient mouche à chaque coup, ou presque. L’homme à la plume de corbeau, qu’Antoine avait rencontré la veille, était l’un des plus habiles. Sa blessure ne l’embarrassait même pas. Il appuyait sa canardière sur son bras gauche, en écharpe, qu’il relevait légèrement pour s’en servir comme point d’appui. Il s’appelait Jacques et on le surnommait Deux-Coups. Quant à Brise-Fer, il s’approcha d’un républicain à demi mort d’épouvante, et lui passa sa baïonnette à travers le corps. Comme la plupart des paysans, c’était la première fois qu’il tuait un homme.
    Antoine était tétanisé, il ne pouvait pas tirer dans le dos de ceux qui avaient partagé ses convictions ; il lui était impossible de faire feu sur un uniforme qu’il avait si longtemps porté.
    L’un des Vendéens s’en aperçut. Ce rustre-là avait un regard terrible. Il portait une longue faux emmanchée à rebours, qui le faisait ressembler à l’Ankou des Bretons. Il essaya de s’emparer par force du fusil d’Antoine :
    — Si t’es pas foutu de tuer des Bleus, lui cria-t-il, donne donc ton arme à un autre et pis fous le camp !
    Antoine le repoussa, prit son courage à deux mains, mit en joue et tira sur l’un des fuyards qu’il vit tomber dans les hautes herbes. Mais l’homme n’était pas mort et il l’entendait hurler de douleur. Antoine devint blême. Le Vendéen qui venait de le morigéner lui lança

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