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Dans l'ombre des Lumières

Titel: Dans l'ombre des Lumières Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Dingli
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cause, que ce n’est ni la République, ni la monarchie, mais l’amour que je te porte ? Tu es ma seule cause, Amélie, du moins la plus importante. Je pourrais perdre le reste, mais je ne pourrais pas te perdre toi.
    La jeune femme eut l’air brisé par l’émotion. Il la prit dans ses bras et lui caressa le visage.
    Amélie savait que son mari avait tout quitté pour la suivre jusqu’en Vendée, l’armée, sa carrière, sa propre sûreté… Il avait même tué un homme qui tentait de fuir.
    — Mon bel amour, que t’ai-je donc obligé à faire ?…
    Il comprit tout de suite l’allusion, mais ne répondit pas.
    — J’ai réfléchi cette nuit, reprit-elle ; j’ai pensé que nous devrions rejoindre les insurgés à Cholet, pour essayer de nous rendre utiles… Nous pourrions servir sans que tu aies à te battre…
    La contrariété d’Antoine le fit grimacer.
    — Promets-moi que tu n’iras pas.
    — C’est impossible.
    — Alors promets-moi seulement que tu ne risqueras pas ta vie, tant que les menaces ne seront pas trop pressantes.
    La formulation était suffisamment vague pour satisfaire Antoine.
    — Bien, concéda-t-il, nous irons à Cholet pour essayer de nous rendre utiles.
    — Nous réussirons, dit Amélie avec joie, j’en suis persuadée, nous pourrons soigner les blessés, aider les prisonniers, préparer des vivres, que sais-je encore…
    Elle éprouva un profond soulagement et ils résolurent de partir pour Cholet, dès le lendemain.

X
    Ils franchirent le petit pont qui surplombait la Moine et pénétrèrent dans la ville. La pluie venait de cesser et un rayon de soleil illuminait les flèches de Notre-Dame. Ils présentèrent à une patrouille le laissez-passer que Morlanges avait daigné leur griffonner, au nom de Sa Majesté Louis XVII. Il régnait une atmosphère de ville libérée ; les cloches sonnaient matines à toute volée et, dans les rues, à l’ombre des maisons pavoisées de blanc, les citadins vaquaient presque sereinement à leurs affaires. Seul le passage de nombreux paysans armés rappelait aux visiteurs la réalité de la guerre.
    Ils furent reçus par les responsables du comité provisoire auxquels ils présentèrent leur requête.
    — Eh bien, Madame, répondit l’un d’eux, votre volonté de servir le roi vous honore, mais je ne vois pas très bien ce que vous pourriez faire pour le secours des blessés. Les prêtres, les Filles de la Sagesse et quelques particuliers en prennent déjà un grand soin. Quant aux prisonniers, ces coquins, je vous l’assure, ne manquent de rien.
    L’homme s’était uniquement adressé à la jeune femme comme si Antoine était invisible.
    — Je me permets d’insister, dit-elle. Laissez-nous au moins les approcher.
    — Le nom prestigieux que vous portez, Madame, est une garantie suffisante pour vous ouvrir toutes les portes, néanmoins…
    — Néanmoins ?
    Il parut embarrassé.
    — J’ai cru comprendre que la cause de Monsieur votre mari n’était point celle de la religion et du roi.
    — La cause de mon mari, Monsieur, est la même que la mienne, et si vous me faites l’amitié d’honorer l’une, il vous faudra bien accepter l’autre.
    Amélie avait relevé son petit nez avec fierté, ce qui donna envie à Antoine de l’embrasser, mais l’heure n’était pas aux badinages. Le membre du comité, ancien conseiller du roi à Châtillon, affronta alors pour la première fois le regard du Toulousain. L’autre royaliste, en revanche, n’avait pas quitté le peintre des yeux. Il lui adressa la parole sur un ton affable.
    — Ce n’est pas moi qui vous reprocherais d’avoir servi honnêtement la Révolution, ayant été administrateur du Maine-et-Loire, mais… vous devrez choisir un parti. C’est ici la règle, et nous ne pouvons tolérer d’exception, même pour le gendre de Monsieur le marquis de Morlanges. Tous les hommes en âge de porter les armes, et dont le comportement sous le régime des démagogues ne leur a point fait mériter un châtiment exemplaire, tous ces hommes doivent se battre dans l’armée catholique, ou bien payer vingt livres par jour en guise de compensation…
    Il ajouta, avant qu’Antoine eût le temps de réagir :
    — … Et, cependant, en raison de la confiance sans réserve que nous avons pour votre famille, nous vous laissons quelques jours de réflexion. En attendant, je vous fais un laissez-passer afin que vous puissiez visiter les prisonniers et les blessés.

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