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Dans l'ombre des Lumières

Titel: Dans l'ombre des Lumières Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Dingli
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qu’il ne viendrait pas avec eux. Brise-Fer ne le jugeait pas ; mais il ne comprenait pas les convictions de cet homme étrange qui avait seulement pris leur parti, le temps d’une arquebusade. Ils se saluèrent fraternellement et les Loisel rentrèrent à la Boissière avec les gens de Morlanges.
    — Not’ Monsieur a été ce tantôt attaquer Les Herbiers, dit l’un d’eux. Je savions point s’il y aura réussi.
    Ce croque-mitaine de Morlanges avait donc pris les armes ! Les paysans n’avaient pas dû le prier bien longtemps, pensa Antoine… Machecoul, Bourgneuf, Montaigu, Les Herbiers… L’insurrection prenait de l’ampleur ! Le Toulousain avait peut-être sous-estimé l’audace, la colère et le désespoir de ces rustres. Il ignorait bien sûr une chose essentielle : ce n’était pas l’explosion éphémère d’une simple jacquerie qu’il était en train de vivre, mais le début de la Grande Guerre de Vendée.
    1 - Trois kilomètres.

IX
    Quelques jours plus tard, ils apprirent que les paysans s’étaient insurgés dans une grande partie du Poitou, de l’Anjou et des marches communes. L’un d’eux, nommé Cathelineau, avait pris Jallais et Chemillé ; d’autres bandes occupaient Saint-Fulgent, Cholet, Mortagne et même La Roche-sur-Yon… Recherchant des hommes d’expérience, capables de les commander, ils avaient sollicité l’aide des quelques nobles présents dans le pays, tels le comte de La Bouëre, le marquis de Bonchamps ou le chevalier Sapinaud de la Verrie. Les autres – Cathelineau, Perdriau et Stofflet – étaient d’origine roturière, et n’en avaient pas moins de valeur.
    Les hauts faits des rebelles parvenaient régulièrement à La Boissière. On disait que les paysans n’avaient pas hésité à s’élancer sans armes, ou presque, contre l’artillerie ennemie, se jetant à terre, dès qu’ils voyaient la mèche appliquée sur la lumière des canons, et se relevant après la détonation… Antoine ne partageait pas leur cause, mais il était impressionné par cette hardiesse qui frisait souvent l’inconscience. Il savait que la foi de ces hommes leur donnait un sentiment d’invulnérabilité. Presque tout chez eux, jusqu’à leurs armes, était d’ailleurs imprégné de sacré. Sur le chemin de Vihiers, les Angevins s’étaient emparés d’un canon, décoré aux armes du cardinal de Richelieu, qu’ils avaient baptisé la Marie-Jeanne . Ils vénéraient cette pièce et lui attribuaient une sorte de pouvoir magique. La guerre ne faisait que commencer et déjà se tissait la légende.
    Antoine se trouvait dans une situation impossible. Sa nervosité atteignait des sommets. Il ne tenait plus en place, devenait anormalement brusque et désagréable. Qu’allait-il faire ? Se battre avec les insurgés contre la République ? Une fois le premier choc passé et alors qu’Amélie était à nouveau libre, les images des premiers combats lui revenaient à l’esprit ; il repensait au fuyard qu’il avait fusillé dans le dos. Il entendait cet homme hurler de douleur dans les hautes herbes. Mais il sentait qu’il n’était déjà plus maître de son destin. Où sa femme pourrait-elle se cacher ? Fallait-il quitter la France, s’embarquer aux Sables ou à Nantes ? Ce serait bien trop risqué ; l’insurrection se diffusait dans les campagnes comme une traînée de poudre, ce qui rendait les autorités d’autant plus vigilantes.
     
    Les jours suivants, le pays du Bocage connut d’importantes alarmes. On y apprit en effet qu’une troupe républicaine, commandée par le ci-devant comte de Marcé, venait de disperser les insurgés aux portes de Chantonnay et continuait de progresser vers le cœur de la Vendée. Le marquis de Morlanges et presque tous ses gens rejoignirent le camp de l’Oie où une armée royaliste s’apprêtait à marcher contre les Bleus. Mais depuis lors, on était sans nouvelles.
    Puis, un soir, un peu avant le dimanche des Rameaux, un valet de ferme de La Boissière vint trouver les Loisel qui soupaient près de l’âtre.
    — Monsieur, Monsieur, des cavaliers s’approchent.
    — Les Bleus ?
    — Non, Monsieur, des nôtres.
    L’ensemble de la maisonnée exprima bruyamment son soulagement, tant la peur d’une arrestation avait été grande. Mais on ne savait pas encore si ces hommes venaient annoncer la victoire ou la défaite. Tout le monde sortit dans la cour de la ferme, le cœur battant.
    Une dizaine de cavaliers vendéens

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