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Dans l'ombre des Lumières

Titel: Dans l'ombre des Lumières Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Dingli
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murmura aussitôt le Nantais, voulez-vous nous faire fusiller ?
    Loisel et Favier échangèrent un regard inquiet. Malgré les précautions qu’ils avaient prises, le bougre savait déjà tout et s’arrangeait adroitement pour le leur faire savoir.
    Martineau s’empressa d’ajouter :
    — Mais ne vous inquiétez pas, je serai muet comme une tombe. Ne sommes-nous pas du même parti ? Je disais donc que le jour viendra, j’en suis persuadé, où vous aurez besoin de mon aide, et je vous prie seulement de ne pas l’oublier.
    — Je m’en souviendrai, répondit Antoine intrigué.
    Il salua les deux hommes et quitta le château.
     
    Le jeudi saint, un Jacobin fanatique, qui s’était vanté d’avoir fait couper les oreilles des paysans, fut attaché au moignon de l’arbre de la liberté et mis à mort. Les Vendéens avaient déjà assassiné M. de l’Échasserie et abattu plusieurs prisonniers pendant la bataille de Montaigu. Écœuré par ces vengeances, Antoine eut envie de se renfermer à La Boissière, mais il s’aperçut bientôt que les tueries cessaient, qu’après les massacres et les règlements de compte, qui avaient entaché le début de l’insurrection, les chefs royalistes avaient su imposer la mansuétude ou encourager celle de leurs hommes. La clémence devint donc la règle dans le territoire insurgé, sauf à Machecoul où les fusillades se poursuivirent de manière sporadique pendant quelques jours encore.
    C’est l’évolution inverse que suivit la République. Les Loisel apprirent ainsi que, le 10 mars précédent, sur la motion de Georges Danton, la Convention avait créé un tribunal criminel extraordinaire, bientôt connu sous le nom de Tribunal révolutionnaire ; ils apprirent encore qu’un terrible décret de l’Assemblée condamnait à mort, non seulement les rebelles pris les armes à la main, mais aussi tous ceux qui avaient porté un signe de rébellion comme la cocarde blanche. C’était livrer un peuple entier à la proscription. On ne se contentait plus, comme autrefois, d’exécuter les meneurs, on s’orientait progressivement vers une guerre totale.

XI
    Le danger était imminent. La Convention avait rassemblé de nouvelles forces pour écraser l’insurrection. Aux frontières, la situation se révélait toujours aussi désastreuse depuis la défaite de Neerwinden et l’évacuation de la Belgique. Le 6 avril, l’Assemblée nationale se dotait d’un Comité de salut public. Quelques jours plus tard, on apprenait que le général Dumouriez avait rejoint le camp autrichien. Menacée sur tous les fronts, mais aussi humiliée d’être battue par de simples paysans, la République comptait bien en finir avec la Vendée.
    Les insurgés, qui ignoraient la plupart de ces nouvelles, se rassemblèrent afin de résister au déferlement. Le dimanche 7 avril, jour de la Quasimodo, le tocsin sonna dans tout le Bocage et des milliers d’hommes se mirent aussitôt sous les armes. Bien qu’ayant juré de ne pas combattre, Antoine se joignit à eux. Il pensait se rendre utile d’une manière ou d’une autre. Il fut décidé qu’Amélie resterait à Cholet où ils avaient fixé temporairement leur résidence.
    Quand, le 9 avril, l’armée chrétienne fut presque entièrement rassemblée, Antoine aperçut pour la première fois deux de ses principaux chefs. Le premier était un habitant du Pin-en-Mauges qui exerçait les métiers de voiturier et de colporteur. D’une taille de cinq pieds six pouces 1 , il portait une veste olive de garde-chasse, des guêtres et une culotte bouffante de paysan, elle-même surmontée d’une écharpe blanche d’où surgissait la crosse d’un pistolet. À sa poitrine, un Sacré Cœur de Jésus et un chapelet en sautoir. Il avait trente-quatre ans. Les traits étaient fins, le teint délicat, les cheveux châtains, légèrement bouclés. Fort pieux, il avait pris la tête des processions nocturnes de Bellefontaine. C’est encore lui qui, aux premiers jours de l’insurrection, avait dirigé les rebelles contre la garde nationale de Jallais et de Chemillé, se jetant avec ses hommes sur les canons ennemis et affrontant la mort en chantant le Vexilla Regis 2 . On l’avait baptisé le saint de l’Anjou. Il s’appelait Jacques Cathelineau.
    Près de lui, Antoine distingua un officier aux abords sévères. Il était de taille moyenne, mince, et même un peu maigre. Avec sa peau couleur tabac, il ressemblait à un croquant qui eût

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