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Dans l'ombre des Lumières

Titel: Dans l'ombre des Lumières Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Dingli
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à votre adoration.
    Ces mots, l’intrépidité de la jeune femme, ébranlèrent définitivement les paysans ; ils baissèrent la tête, comme des garnements pris en faute et honteux des actes qu’ils venaient de commettre.
    Pendant ces quelques instants, qui lui semblèrent une éternité, Antoine avait eu terriblement peur pour Amélie, mais il ne pouvait s’empêcher en même temps d’admirer son courage et son humanité. Plus que jamais, il était amoureux d’elle. Il regarda son visage que l’ardeur avait empourpré, ses mèches de cheveux que la sueur collait au front, et ses yeux noirs qui étincelaient. Tout en elle débordait de passion. Ils s’étaient retrouvés sains et saufs. C’était la seconde fois, en l’espace d’un mois. Après toutes ces émotions, Amélie eut un moment de défaillance ; elle vint s’appuyer contre l’épaule de son mari, puis se redressa presque aussitôt.
    Les paysans s’étaient éparpillés dans la ville où ils buvaient aux frais des patriotes et brûlaient les papiers de l’administration, comme ils l’avaient fait sous la monarchie, allumant un feu de joie avec ces maudites liasses qu’ils étaient incapables de lire, mais qui, pour eux, avaient toujours représenté l’impôt, la corvée, la milice, en un mot, l’oppression. Mais alors que les révolutionnaires radicaux acclamaient l’insurrection, lorsqu’elle leur était favorable, ils refuseraient bientôt à ces misérables, non pas seulement le nom de Peuple, mais même celui d’êtres humains.
    Le sacristain de Saint-Hilaire, qui était tisserand de son métier, dressa un autel improvisé sur les escaliers du château et s’en alla chercher le prêtre Duchaffault qui était caché en ville. Amélie et Antoine assistèrent alors à un spectacle insolite. Le curé célébra le saint sacrifice au milieu des cadavres qui jonchaient encore la cour et qu’on n’avait pas pris la peine d’enlever. Cette scène, le contraste violent qui existait entre les paroles de paix de l’ecclésiastique et les corps mutilés des patriotes frappèrent l’esprit des deux amants ; les paysans demandèrent pardon pour le sang versé, mais les Loisel, eux, furent, ce jour-là, incapables de prier.
     
    Une veuve du bourg les accueillit dans sa maison et leur donna de quoi se rafraîchir.
    — Qu’allons-nous faire ? demanda Amélie à son mari.
    — Je ne sais pas. Si nous rentrons à La Boissière, nous risquons d’être arrêtés, et si nous suivons les insurgés, nous serons tôt ou tard fusillés…
    Il s’interrompit, voyant le regard inquiet de sa femme.
    — Mais je crois, reprit-il, qu’il vaut mieux rentrer à La Boissière. Ce serait trop dangereux de suivre les paysans avant de connaître l’ampleur de la révolte. À cette heure, la garde nationale et les troupes de ligne marchent certainement sur nous.
    En réalité, Antoine n’en savait rien, mais il ne voulait pas donner l’impression d’hésiter. Il était pourtant stupéfait par l’aplomb dont faisait preuve Amélie depuis le début de la révolte.
    Ils sortirent pour aller aux nouvelles. Le visage de la jeune femme s’éclaira soudain.
    — Jean ! s’exclama-t-elle.
    Antoine tourna la tête et aperçu Laheu, accompagné par plusieurs paysans de Morlanges.
    — Ah ! Madame, dit Jean, comme je suis heureux de vous trouver là. Voilà plus d’une journée que nous vous cherchons.
    — C’est mon père qui vous envoie ? demanda Amélie avec une naïveté qui ne lui ressemblait guère
    Jean se contenta de baisser la tête de manière éloquente. Le visage d’Amélie se rembrunit ; elle se reprochait visiblement d’avoir été assez sotte pour croire à cette résurrection-là.
    — Allons, venez mes amis, coupa Antoine pour abréger le dépit de sa femme, nous devons parler.
    Ils s’abouchèrent pendant un moment. L’émotion de chacun était visible. Antoine fit part à Laheu de sa volonté de rentrer à La Boissière ; Jean accepta de les accompagner avec quelques hommes, un peu à contrecœur, car il brûlait de se battre contre les Bleus.
    Avant de partir, Antoine aperçut Brise-Fer sous le porche d’une maison. Le colosse l’attendait. Il se découvrit humblement devant Amélie.
    — Que vas-tu faire maintenant ? lui demanda Antoine.
    — Marcher sur Clisson. On vient d’apprendre que cinq cents cavaliers bleus y sont arrivés de Nantes…
    Le paysan semblait déçu. La formulation d’Antoine indiquait

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