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Dans l'ombre des Lumières

Titel: Dans l'ombre des Lumières Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Dingli
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route, avançait un carrosse où se trouvaient une noble de vingt et un ans, son père et deux autres gentilshommes. Antoine l’ignorait, mais le mari de cette jeune femme allait profondément le marquer. Elle s’appelait Marie-Louise-Victoire de Donnissan, marquise de Lescure.
    Elle descendit de voiture. Elle était très blonde, assez myope et paraissait timide. Elle alla se promener avec plusieurs femmes de son entourage dans les rues de la ville ; Les Loisel la retrouvèrent bientôt sur la place où brûlait l’arbre de la liberté. Non loin de là, les soldats exposaient fièrement la fameuse Marie-Jeanne , le canon décoré aux armes de Richelieu dont ils s’étaient emparés sur la route de Vihiers. La pièce était ornée de fleurs et de rubans ; les paysans l’embrassaient avec émotion et priaient les visiteurs de les imiter. Mme de Lescure se plia volontiers à ce rituel, suivie de près par Amélie. Les deux femmes se saluèrent alors avec discrétion. Antoine interrogea son épouse, comme il avait coutume de le faire chaque fois qu’il croisait pour la première fois quelque noble du pays. Amélie ne connaissait pas davantage Lescure que d’Elbée, si ce n’était de manière indirecte.
    — Que pourrais-je t’apprendre, lui dit-elle. Je sais seulement que Mlle de Donnissan a été élevée à Versailles où elle a eu l’honneur d’approcher la reine et Mme de Polignac ; je crois que le massacre de cette princesse, en septembre, l’a terriblement affectée.
    — Et son mari ?
    — J’ignore presque tout de lui, excepté que sa mère est morte en le mettant au monde, que son père était un fieffé libertin, passionné par le jeu et criblé de dettes. M. de Lescure a épousé sa cousine dont il a toujours été amoureux. On le dit fort instruit, timide et entêté. Il témoigne en outre d’un grand zèle pour la religion. Il me semble qu’il a été capitaine au Royal-Piémont.
    — Voilà bien les femmes, s’amusa Antoine, quand vous dites que vous ne savez rien de quelqu’un, c’est que vous en savez déjà beaucoup… Mais pensons maintenant à nous loger, nous n’aurons que très peu de temps à passer ensemble.
    Ils s’installèrent en ville où ils demeurèrent jusqu’au petit matin, puis se séparèrent à nouveau. Amélie se rendit à Saint-Laurent-sur-Sèvre pour y veiller les blessés, tandis qu’Antoine suivit l’armée jusqu’à Thouars.
     
    Enhardis par leurs succès, les Vendéens prirent la ville d’assaut. Mais, dix jours plus tard, ils furent vaincus devant Fontenay où ils perdirent l’essentiel de leur artillerie. Antoine jugea la situation suffisamment grave pour reprendre les armes. Un autre événement le conforta dans sa détermination. En entrant à La Châtaigneraie, le 13 mai, il vit l’échafaud imbibé de sang ; il observa ensuite l’expression émouvante et pitoyable des prisonniers que l’armée royaliste venait de libérer, la terreur inscrite sur les visages, les regards incrédules. Ce jour-là, le comte de La Bouëre ordonna de brûler la guillotine. Les paysans regardaient les flammes en priant et en chantant d’allégresse, sans songer que certains d’entre eux auraient la tête tranchée. Ou peut-être ne le savaient-ils que trop, peut-être s’offraient-ils seulement le luxe d’une ivresse passagère.
    Mais c’était alors un temps d’espoir. Les Vendéens prirent Fontenay et récupérèrent leur chère Marie-Jeanne . Rien ne semblait les arrêter. Le 9 juin, ils entraient à Saumur, le 18, à Angers et, à la fin du mois, ils marchaient sur Nantes. S’ils réussissaient à prendre la ville, ils soulèveraient la Bretagne et toute la rive droite de la Loire. Ils obtiendraient un accès à la mer et recevraient peut-être des renforts de l’étranger. Mais pour les Loisel, c’était avant tout l’opportunité de fuir. Ils n’avaient pas honte d’en caresser le projet. Pourquoi d’ailleurs avoir honte ? Qu’importaient la république et la monarchie, qu’importaient toutes ces querelles de réfractaires et d’assermentés ? Ils avaient vingt ans ; ils voulaient vivre, s’aimer librement, ne plus jamais avoir peur l’un pour l’autre. Ils préféraient même passer pour des lâches. Il fallait prendre Nantes, trouver une place dans un navire et quitter ce pays de désolation. Ce serait sans doute leur dernière chance.
    Cathelineau avait été élu général en chef après la prise de Saumur. Un simple

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