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Dans l'ombre des Lumières

Titel: Dans l'ombre des Lumières Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Dingli
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bref regard. Cœur-de-Roi courut aussitôt dans la direction d’Antoine, lui tendit le pistolet qu’il portait à la ceinture, et lui lança un peu de poudre et quelques cartouches.
    — Ne les gaspille pas, je n’en aurai pas d’autres à te donner.
    Antoine acquiesça et s’en alla combattre, le sabre dans une main, le pistolet dans l’autre. Il commença par brûler la cervelle d’un gendarme qui s’était avancé trop près de l’église, puis en sabra un autre que son cheval venait de désarçonner. La volonté de survivre et de protéger Amélie décuplait son adresse. La situation devenait désespérée. L’un des chefs rebelles, Perdriau, qui n’avait cessé de haranguer ses hommes, venait d’être mortellement touché. Les cadavres s’amoncelaient sur la place. Cathelineau ne dut lui-même la vie qu’à un colosse nommé Mathieu Sinan qui faisait de grands moulinets avec son fusil pour le protéger et embrochait les républicains les plus téméraires. Pressés par le nombre, les Vendéens durent se replier dans les habitations et dans l’église où ils avaient déjà enfermé leurs prisonniers. Antoine y entra avec les autres. Depuis les fortifications, par les fenêtres, du haut des toits, ils firent une terrible décharge qui obligea finalement les Bleus à reculer. En partant, ces derniers incendièrent une dizaine de maisons. Tout le monde était épuisé. Le combat avait duré près de sept heures et la nuit tombait.
    Profitant de la confusion, les prisonniers tentèrent de s’échapper, mais ils furent bientôt ramenés. Les royalistes étaient fous de rage. Ils voulaient se venger des pertes importantes qu’ils avaient subies, des paysans fusillés, des maisons de Saint-Pierre incendiées, du bourg de Barré que les Bleus avaient rasé…
    — Pas de quartier ! criaient les uns.
    — Tuons-les tous, renchérissaient les autres.
    Antoine entra dans l’église pour essayer de s’interposer. Mais un Vendéen, qui s’appelait Toussaint Croquevaille et que l’on disait un peu sorcier, le prit aussitôt au collet avec quelques-uns de ses affidés.
    — Tuons aussi ce garou , dit le sorcier, tandis qu’un paysan pointait déjà son couteau près du cœur d’Antoine.
    Le Toulousain, qui ne pouvait plus jouer du sabre, sentit que sa fin était proche. Par chance, Laheu, attiré par le tumulte, venait d’entrer à son tour dans l’église. Il prit son pistolet et le mit sur la tempe du paysan qui pressait le plus Antoine.
    — Lâche-le, ou je te casse la tête !
    Aussitôt convaincu par un tel argument, l’homme lâcha prise.
    — Il faut le tuer, insista pourtant Croquevaille qui fulminait de rage. C’est un garou, un envoyé du Diable ! Si nous ne le tuons point, il va nous porter malheur à tous.
    — Tais-toi, répondit Cœur-de-Roi, je l’ai vu combattre. Il est des nôtres ; le sang versé ne ment pas. Et j’abattrai sur-le-champ le premier qui lèvera la main sur lui.
    Mortifié, Toussaint Croquevaille serra les dents et pensa se dédommager de sa piteuse retraite en faisant massacrer les prisonniers. Les républicains étaient pourtant pitoyables avec leurs uniformes déchirés, leurs fronts ruisselants, leurs yeux injectés de terreur. Antoine, presque à la même enseigne, ne pouvait strictement rien pour eux.
    Tout à coup, la foule s’écarta pour laisser passer d’Elbée. Le commandant essaya de calmer les paysans, en vain. Ces derniers voulaient massacrer les Bleus ! En désespoir de cause, il leur fit réciter le Pater Noster . Antoine et les prisonniers retinrent leur souffle. Le silence, si soudain, eut quelque chose d’ahurissant après le tumulte qui venait de régner dans le sanctuaire. Quand les soldats furent arrivés au « pardonnez-nous nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés », d’Elbée les interrompit vivement :
    — Arrêtez ! cria-t-il, ne mentez pas à Dieu ! Voulez-vous qu’il vous pardonne comme vous, vous pardonnez à vos ennemis ?…
    À ses mots, les paysans se calmèrent et renoncèrent au massacre.
     
    Il était neuf heures du soir. Antoine avait reçu un coup de baïonnette dans le bras, mais il n’osait déranger Dupuy pour ce qu’il pensait être une estafilade. Quand le père Hyacinthe vit que le sang dégoulinait de sa manche, il l’obligea à s’asseoir et lui nettoya lui-même la plaie. Un peu plus loin, les paysans tentaient encore d’éteindre les incendies. Il flottait dans

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