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Dans l'ombre des Lumières

Titel: Dans l'ombre des Lumières Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Dingli
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totalement submergé par la masse des fiévreux.
    Ils arrivèrent au Mans, le 10 décembre. C’est là que, pour beaucoup, la longue course allait s’achever.
     
    Antoine pénétra dans la ville en talonnant une cinquantaine de hussards depuis Pontlieue. L’armée entra au Mans de nuit. Le Toulousain, qui cherchait des vivres pour sa femme chez un particulier, assista à l’arrivée de la triste colonne. Il avait l’impression d’être un Manceau découvrant avec effroi la longue formation morbide qui investissait la ville.
    — Ne nous faites pas de mal, Monsieur, implora le propriétaire, un quadragénaire craintif, tandis qu’Antoine essuyait la buée de la fenêtre.
    — Je n’en ai pas l’intention, dit-il sans même se retourner.
    Il guettait le chariot d’Amélie. La situation était si désespérée qu’il ne voulait pas rester éloigné d’elle trop longtemps. Les choses pouvaient basculer à tout instant, surtout avec ce grand sabreur de Westermann à leurs trousses. Il scrutait donc le long serpent dont le corps s’étirait sur une distance de trois lieues 1 . C’était une interminable parade de cavaliers, de carrosses, de chariots et de fantassins aux figures hâves. Au bout d’une heure, il repéra enfin la voiture de sa femme. Il sortit de la maison comme un éclair.
    Amélie l’aperçut ; son visage s’illumina.
    Ils passèrent la nuit dans un grenier où ils trouvèrent la force de s’aimer. Au réveil, Antoine posa affectueusement la main sur les lèvres de sa femme.
    — Mon petit ange, lui dit-il, nous devrons nous battre dans les heures qui viennent. J’ai repéré l’une des dernières enseignes de la ville sur la route de Laval : Aux Faïences de Malicorne . Retiens bien ce nom ! Prends mon cheval et restes-y ! Ne cherche surtout pas à me rejoindre, tu nous mettrais tous les deux en danger et je ne pourrais plus te retrouver. Si nous avons la déroute, commence à fuir sans attendre…
    Amélie esquissa un mouvement de protestation, mais Antoine reprit en élevant le ton.
    — Je ne plaisante pas. Si je sais que tu marches en avant, je serai délivré d’un grand poids. Je n’aurai qu’à me soucier de ma propre survie. Comprends-tu, en agissant ainsi, c’est moi que tu aideras.
    Cette fois, Antoine avait trouvé les mots capables de la persuader. Ils s’embrassèrent puis relâchèrent lentement leur étreinte.
    — Et maintenant, mon amour, sauve-toi !
     
    D’un coup d’œil, Antoine avait tout étudié, le rapport des forces, la configuration du terrain, l’absence de fortifications. Ouverte par sept grandes routes, Le Mans était impossible à défendre. Il espérait encore une victoire, mais il savait d’expérience que, pendant une déroute, la panique se transformait rapidement en désastre. Et celui-ci serait d’autant plus catastrophique que des dizaines de milliers de femmes, de vieillards et d’enfants se gêneraient mutuellement en fuyant.
    Antoine avait vu juste. Amélie était partie depuis deux heures lorsqu’il entendit sonner le clairon. L’avant-garde de Westermann venait d’atteindre Pontlieue. Il se jeta sur ses armes et courut se battre. Les Vendéens, qui avaient déchaussé leurs sabots pour aller plus vite, repoussèrent les Bleus sur une lieue et demie. Mais au retour, ils furent attaqués au niveau d’Arnage par la colonne de Tilly et durent se replier dans la ville. Le dénouement était proche. Antoine et les Vendéens disposèrent à la hâte des barricades dans les rues pour tenter de freiner le déferlement ennemi. Le Gascon priait pour que sa femme eût suivi ses instructions à la lettre.
    La grande offensive commença de nuit. Les premières défenses furent rapidement franchies. Les républicains attaquaient de toutes parts. Antoine s’était embusqué dans une vieille bâtisse avec Brise-fer et Mange-Groles. Leurs tirs meurtriers ne pouvaient que ralentir la progression des Bleus. Ils reculèrent de maison en maison, continuant de se battre avec acharnement, croyant laisser le temps aux femmes et aux enfants de s’échapper. Fuir ? Mais où ? Le trio rejoignit Cœur-de-Roi sur la place des Halles dans une confusion totale, alors que les éclairs des coups de feu déchiraient la pénombre. Laheu était debout, caché derrière son cheval abattu, ruisselant de sueur en dépit du froid glacial. Ils restèrent ainsi jusqu’au petit matin. Le combat, qui avait diminué d’intensité, reprit alors avec

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