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Dans l'ombre des Lumières

Titel: Dans l'ombre des Lumières Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Dingli
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fureur. Ils découvrirent un spectacle effroyable. Les républicains entraient dans les maisons et tuaient tous ceux qu’ils rencontraient, Vendéens et Manceaux, femmes et soldats. À leur gauche, plusieurs personnes furent défenestrées sous leurs yeux. Ils entendirent les cris horribles des hommes et des femmes qui s’écrasaient sur le pavé. Les cadavres furent bientôt empilés en tas devant les maisons, comme de vulgaires salaisons ; la hauteur de ces pyramides macabres devint telle qu’elle finit par gêner les républicains eux-mêmes.
    Les quatre hommes virent alors des centaines de soldats avancer au pas de charge dans leur direction, la baïonnette au canon. Même s’ils avaient participé à des dizaines de batailles, même s’ils affrontaient quotidiennement la mort, ils ne purent s’empêcher de frissonner. Antoine, qui n’avait plus de cartouches, fit ses adieux au monde. Laheu s’effondra, touché par deux balles, l’une à l’épaule, l’autre sur le crâne. Le sang, qui ruisselait sur son visage, l’aveuglait et toutes ses tentatives pour s’essuyer les yeux étaient vaines. Antoine, Brise-Fer et Mange-Groles le protégèrent du mieux qu’ils purent. Ils se battaient au corps à corps. Le colosse, qui était couvert de blessures, assommait les assaillants à coups de crosse. Il avait laissé ses dernières cartouches à Mange-Groles qui en faisait un meilleur usage.
    Par miracle, les Bleus se replièrent un moment, ce qui permit aux quatre hommes de s’éclipser. Brise-Fer portait Laheu sur son dos comme un fétu de paille. Déjà, les canons de Kléber délogeaient les derniers défenseurs de la ville. Antoine et les Vendéens marchèrent sur un lit de cadavres. Ils parvinrent jusqu’à l’enseigne Les Faïences de Malicorne . Amélie n’y était plus. Cette fois, elle avait sans doute obéi à son mari et l’avait précédé dans la fuite.
    Affalé sur les épaules massives de Jean-Paul, Cœur-de-Roi tournait de l’œil. Il avait déjà perdu beaucoup de sang. Il parvint pourtant à dire d’une voix mourante.
    — Bénédicte… Antoine, retrouve Bénédicte et ma petite fille.
    Le Toulousain n’hésita pas une seconde.
    — Jean-Paul ! cria-t-il, remonte vite la colonne avec lui, et ne quitte pas Amélie des yeux ! Je pars à la recherche de Bénédicte.
    — Je viens avec toi, fit alors Mange-Groles.
    Antoine le regarda quelques secondes avec gratitude, puis ils retournèrent en enfer.
    Mais ils eurent beau prendre tous les risques possibles, ils ne virent que des monceaux de cadavres. Déjà, un groupe de hussards les chargeait. Ils durent s’enfuir.
    Ils rejoignirent Amélie, Brise-fer et Laheu sur la route de Laval.
    — Où est Bénédicte, demanda Laheu ?
    — Je ne sais pas.
    La voix d’Antoine trembla légèrement, malgré lui.
    — Je suis sûre qu’elle accompagne les premiers fuyards, intervint Amélie, rassurante. Elle doit être maintenant à Sablé.
     
    En réalité, Bénédicte Laheu se trouvait encore au Mans, comme Loubette dont le mari venait de mourir au combat.
    Bénédicte vit trois femmes éventrées à coup de sabre devant elle. Prise de panique, elle courut avec sa petite fille sous le bras, frappant désespérément aux maisons qui restaient closes, évitant un premier coup de sabre, puis trébuchant sur le corps de ses compagnes ; elle trouva enfin une porte entrebâillée. Le visage d’une vieille femme apparut prudemment dans l’entrefilet.
    — Madame, dit-elle haletante et tout en pleurant, je vous en supplie, prenez mon bébé, prenez-le, au nom du Christ, sauvez-le !
    La vieille hésita quelques secondes, puis empoigna la petite fille et referma la porte. Bénédicte resta une seconde hébétée sur le seuil, avec le regard d’une folle.
     
    Pendant ce temps, le groupe où se trouvait Loubette se faisait sabrer. Blessée à l’épaule, la paysanne ordonna à ses enfants de courir aussi vite et aussi loin que possible. Près d’elle, sa meilleure amie eut le crâne décalotté d’un seul coup de lame ; d’autres femmes s’effondraient au milieu des hurlements, de la fumée âcre qui leur brûlait les poumons et la gorge. Les soldats poussèrent les survivantes devant une maison de la ville ; au bout d’un moment, ils ouvrirent le feu. Loubette éprouva une vive douleur au niveau de la poitrine.
    Elle était plongée dans l’obscurité et suffoquait sous le poids des cadavres qui recouvraient son corps. Elle

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